Selon François Marcilhac dans l'Action Française 2000 :
"La victoire nette et sans bavure de Fillon à la primaire de la droite est surtout le fruit d’un immense malentendu que la campagne pour la présidentielle sera loin de lever, tant est fort en France le désir de redonner à la fonction suprême un semblant de dignité. Or Fillon a d’autant mieux profité du rejet des deux “favoris” qu’il a su par son attitude distante et calme donner ce signe, ce qui, de la part de l’ancien Premier ministre de Sarkozy, n’était pas gagné. Passer pour un homme neuf et incarner l’espoir du relèvement quand on est un des principaux responsables du déclin du pays : du grand art ! C’est là que réside le principal danger : que, dans ce jeu de faux-semblant que sont les élections, les Français misent sur un homme rompu depuis quatre décennies de vie politique à tous les reniements, mais plus habile que d’autres à cacher son manque de conviction.
Car Fillon n’a pas été seulement le collaborateur zélé, pour ne pas dire servile, de Sarkozy : au gré de sa carrière, il a su, d’eurosceptique, devenir européiste, de gaulliste social, libéral assumé, de souverainiste, libre-échangiste. Son rapt illégitime de l’ électorat catholique de droite est la preuve supplémentaire d’un machiavélisme tranquille. Que Jean-Frédéric Poisson n’ait pas réussi à attirer sur son nom la majorité de ces électeurs, d’autant plus heureux finalement de la victoire de Fillon que celle-ci ne les mènera pas au martyre, n’a rien d’étonnant. Poisson n’est pas responsable du caractère contre-productif de sa candidature. C’est le système politique qui condamne a priori le vote de conviction au profit, dès le premier tour, d’un vote utile qui se révèle foncièrement nuisible : les voix qui se sont détournées de Poisson n’auraient pas manqué à Fillon pour être qualifié au second tour. En revanche, le score décevant de Poisson a permis à Fillon, qui avait mis dans son escarcelle l’électorat naturel du premier, à neutraliser la tentative de procès en intégrisme catholique ouvert par Juppé et amplifié par la gauche, en se débarrassant du contenu pour ne garder qu'un emballage très aseptisé, mais qui convient à une bourgeoisie qui pense que porter son catholicisme en bandoulière suffit à obtenir l’absolution.
On peut toujours féliciter que, plus de quarante ans après la loi Veil, l’avortement soit toujours au cœur du débat, ce que favorisent les socialistes eux-mêmes en cherchant à faire adopter avant la fin février un texte orwellien sur un prétendu délit d’ entrave numérique à l’IVG : il n’est malheureusement pas sûr que ce soit uniquement, comme le disait Boutang, sur le mode du remords. Mais plutôt sur celui du repoussoir. Ce qu’ont très bien compris Juppé, la gauche… et Fillon le premier ! À tel point qu’il avait pris date dès 2014 avec ses détracteurs en intégrisme catholique en faisant partie des rares députés UMP à voter la proposition de résolution socialiste faisant de l’ infanticide un « droit fondamental ». Et qu’il est aujourd’hui totalement silencieux sur le délit d’ entrave numérique. Reconnaissant ainsi, avec cynisme, qu’il garde ses convictions pour lui, ce qui revient à ne pas en avoir, ou que celles-ci sont incompatibles avec le Bien commun – un comble !
Avec Fillon, on est obligé de convenir que l’effet de cliquet est le propre d’un électorat catholique libéral-conservateur, finalement aussi convaincu que l’électorat de gauche d’un sens de l’histoire contre lequel il est vain de lutter, mais sur le mode du regret poli censé mériter l’indulgence. L’historien François Huguenin, soutien de Fillon et qui représente cette tendance, a ainsi écrit, dans Le Figaro, à la veille du second tour de la primaire : « Quant aux questions éthiques, les catholiques et les conservateurs ne doivent pas rêver. Aucun homme politique n’a jamais arrêté une évolution sociétale et Fillon en prend acte. » Au nom du même principe, demain ce sera, sur l’ordre de l’Europe, l’adoption plénière définitivement pour tous, l’euthanasie et la GPA… […]"