En cette semaine de prière pour l'unité des chrétiens, La Vie publie un dossier sur les "intégristes". Jean Mercier écrit :
"Une réconciliation était apparemment inimaginable en 2005, au lendemain du Conclave, pour l'observateur parfois superficiel qu'est le journaliste (ce sujet était loin de figurer dans les dossiers chauds du futur pape listés par la presse !). Mais dans les coulisses, les choses avançaient. En 2005, cela faisait cinq ans que la Commission Ecclesia Dei tissait des liens avec Mgr Fellay, supérieur général de la FSSPX. Lorsque le tout nouveau pape invita celui-ci à Castel Gandolfo (au même moment, il fit de même avec… Hans Küng!), la surprise fut quasi totale… Cette cécité avait ses raisons évidentes. Alors que le pontificat de Jean Paul II s'achevait, nombreux étaient les catholiques, comme moi, qui avaient pris leur parti du fait que les lefebvristes étaient sortis des écrans radar de la catholicité, 17 ans plus tôt. Cela nous arrangeait… Comme les protestants avaient leurs fondamentalistes, les musulmans leurs islamistes, nous avions nos intégristes. Forcément méchants et pas fréquentables, mais comme ils étaient hors de la communion avec Rome, nous pouvions nous défausser du problème de l'ultra-catholicisme sur ces «autres» qui étaient "en dehors" de l'Eglise institutionnelle.
Sept ans plus tard, alors que s'ouvre la semaine de prière pour l'unité des chrétiens, difficile pour les catholiques de ne pas inclure ces frères fort gênants dans le périmètre de leur intercession. Du moins, c'est ce pontificat qui nous y oblige, et surtout depuis trois ans, lorsque la levée tonitruante des excommunications – dont celle d'un négationniste patenté ! – nous a rappelé que ces baptisés faisaient tout de même partie de l'Eglise du Christ… même si cette réalité est ultra-difficile à digérer. […]
En 2011, de forts contrastes ont marqué ce dossier. On a cru la normalisation morte et enterrée après que pape eut multiplié des actes (comme la béatification de Jean Paul II, le remake de la rencontre d'Assise, le lancement d'une année de la foi placée sous le patronage de Vatican II), qui avaient rendu furieux les plus radicaux des intégristes. Surprise : en septembre dernier, la Congrégation pour la Doctrine de la foi proposait un "Préambule doctrinal" (un protocole d'accord), tenu secret. Un texte inacceptable pour les « cadres" de la FSSPX. Mi-décembre, Mgr Fellay a renvoyé au Vatican le texte avec ses remarques, elles aussi restées secrètes. Insatisfaite, la CDF a demandé de nouvelles précisions à la FSSPX, qui les a données tout récemment. Cet échange de textes montre que, de part et d'autres, on prend les choses très au sérieux. Et que l'on se donne des choses de réussir... […] Il est peu probable que Rome arrête les transactions alors que Benoît XVI a déjà été si loin dans sa générosité. Le pape pourrait, soit reformuler encore le protocole d'accord, soit accéder aux demandes des intégristes, s'il estime que la volonté de ses interlocuteurs d'être en communion avec lui et l'Eglise est bien réelle. […] Pour cette raison, il pourrait décider qu'il ne faut pas faire de l'adhésion au Concile une obsession."