Gabrielle Cluzel est interrogée par Le Rouge et Le Noir. Extraits :
[…] Les femmes ne savent pas elle-même ce qui est bon pour elles, il faut donc les mettre sous tutelle, les laisser sous la férule d’un gouvernement qui règlemente minutieusement leur vie, jusqu’à l’intimité de leur chambre à coucher, par la pilule et l’IVG. Lorsqu’il incite les lycéennes mineures, à user et abuser de la pilule du lendemain, en dehors de tout contrôle de la famille, le gouvernement s’assoit sur le bord du lit de celles-ci en jouant des coudes avec les parents : poussez-vous de là que je m’y mette.
L’histoire nous a appris à nous méfier des États qui veulent faire notre bien malgré nous, qui savent mieux que les parents ce qui est bon pour leur progéniture, jusqu’à leur confisquer l’autorité. C’est l’une des marques de la tyrannie. Le féminisme en est une, feutrée et faussement empathique. Je vous renvoie à la lecture de l’excellente uchronie de Bernard Quiriny, Les assoiffées.
L’un des exemples les plus dramatiques de cette "libération" en est, selon vous, la libération sexuelle (le tout, tout de suite, avec n’importe qui) et son corollaire : le couple contraception-avortement. Pourquoi est-ce un échec ? Comment l’expliquer à nos contemporains persuadés qu’il s’agit de "conquêtes acquises de haute lutte" ?
Je suis intimement persuadée que les femmes, les jeunes-filles, sentent confusément ce fiasco, même si elles n’ont pas toujours les mots pour le dire. Je voudrais que ce livre les leur donne. J’essaie de montrer de façon simple les contradictions féministes. En me plaçant simplement du point de vue de l’intérêt de la femme. La dérégulation des rapports homme-femme, la fin de la « cour », la crudité et la vulgarité des échanges verbaux – sous couvert « d’humour » -, l’écrasement des étapes intermédiaires avant l’acte sexuel, jusqu’à créer des malentendus quant au consentement (il paraît que dans la police, on appelle cela des « miols », des demi-viols), la fin de cette illusion enivrante et flatteuse pour la femme d’être une citadelle à conquérir, n’a servi que la cause des hommes, qui ne se voient plus « forcés » de perdre leur temps en préliminaires fastidieux. La citadelle est désormais un rez-de-chaussée HLM facilement squatté… donc qui n’a plus beaucoup de prix.
Par ses déclarations ingénues au moment de « l’affaire Baupin, Jacques Séguéla a mis les pieds dans le plat : « Les verts sont nés de l’amour libre. (…) Il y a un discours un peu hippie écervelé qui a prêté à ça » a-t-il déclaré, en guise de circonstances atténuantes pour le député vert. Il a mille fois raison. Les féministes se drapent dans leur vertu outragée, poussent des cris d’orfraie et veulent diligenter des enquêtes pour trouver le responsable… mais on le connaît déjà : c’est notre société libertaire, née bien sûr de mai 68.
Et je ne parle pas, bien sûr, de l’irresponsabilité masculine induite par les moyens de contraception et l’IVG. Puisque la femme a tous les outils pour ne pas être enceinte, si par malheur, une grossesse s’annonce, elle n’a qu’à s’en prendre à elle-même.
La femme « traite » donc sa fécondité comme une affection au long cours – le diabète ou l’asthme – avec les risques inhérents pour sa santé, risques physiques, physiologiques et – dans le cas de l’avortement – psychologiques. Les conquêtes dont vous parlez sont des débâcles. La fécondité faisait du corps de la femme un temple sacré, où naissait et grandissait la vie – cette puissance symbolique, (assez bien résumée dans une chanson de Renaud : « J’aurai beau être pédé comme un phoque, je ne serai jamais en cloque »), venait contrebalancer la puissance physique de l’homme. Ce temple est devenu un sanatorium. […]"