Diplomate et juriste, Jacques Villemain vient de publier un ouvrage intitulé Vendée, 1793-1794. Interrogé dans le Courrier de l'Ouest, il déclare :
« Je suis passionné d’histoire, je ne lis que ça. J’étais en poste à La Haye aux Pays-Bas quand est sorti un numéro de la revue « L’histoire » consacré à la guerre de Vendée. Il y avait toute une partie sur la question du génocide et j’ai constaté que tous les historiens étaient contre cette thèse. Or à cette époque, en juin 2012, j’avais affaire quotidiennement dans les tribunaux que je suivais à ces questions de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide. Il m’a sauté aux yeux que les arguments de ces historiens ne tiendraient pas bien longtemps la route devant un tribunal pénal. »
Qu’est-ce qu’un génocide du strict point de vue du droit ?
« Le crime contre l’humanité, y compris le génocide, a été défini pour le procès de Nuremberg. Le génocide, définition précisée en 1948 par l’ONU, c’est la « destruction totale ou partielle d’un groupe national, racial, ethnique ou religieux, comme tel ». Selon la jurisprudence pénale internationale, il faut entendre par là un groupe stable et permanent. »
Votre thèse, c’est qu’il y a eu « génocide » en Vendée en 1794. Comment arrivez-vous à cette conclusion ?
« Mes analyses n’engagent bien entendu que moi seul. Je restreins le crime de génocide concernant la guerre de Vendée à la période après janvier 1794, c’est-à-dire au moment des Colonnes infernales. Les armées bleues ratissent la Vendée militaire en tuant toutes les personnes qu’elles rencontrent. Elles considèrent qu’on ne pourra pas instaurer la République si on n’éradique pas cette « race maudite » pour reprendre une expression de l’époque. Le fait de massacrer tous les Vendéens – femmes, enfants vieillards – sans se poser la question de savoir s’ils sont républicains ou pas, rebelles ou pas, est constitutif du crime de génocide. On les tue parce qu’ils sont vendéens et non pour ce qu’ils ont fait. »
On vous opposera qu’on ne peut pas qualifier de génocide des crimes commis 150 ans avant la création même de ce concept…
« Je me suis posé cette question bien sûr. La convention de 1948 de l’ONU sur le génocide précise que les nations civilisées ont toujours reconnu que vouloir éradiquer une population entière était un crime. Cela correspond à un principe de philosophie du droit très ancien disant que certaines lois non écrites, portant les valeurs humanistes, s’imposent même en l’absence de lois écrites et même contre elles si les lois écrites les nient. Par exemple : une loi raciste n’est pas une loi qui puisse obliger en conscience. Et commettre des actes racistes en exécution d’une telle loi, même dûment votée et publiée au JO, serait toujours nécessairement une infraction pénale : c’est reconnu dans notre droit positif. Il est donc parfaitement légitime en droit d’appliquer le crime de génocide à des faits qui lui sont antérieurs. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo n’ont rien fait d’autre en 1945. » […]"
Que devrait faire la France, selon vous, pour reconnaître ses crimes ?
« S’agissant de la Vendée, le crime n’a jamais été reconnu et nommé. 15 à 20 % de la population dans les quatre départements de la Vendée militaire ont été tués. Pour qu’il y ait réconciliation, il faut qu’il y ait vérité. La représentation nationale pourrait le faire en annulant les lois des 19 mars, 1er août et 1er octobre 1793 qui ont conduit au génocide. Il faudrait annuler ces textes comme on l’a fait pour les lois de Vichy en 1945. Concernant les Colonnes infernales, un geste fort serait d’effacer le nom du général Turreau de l’Arc de Triomphe aussi. C’est symbolique, bien sûr, mais dans ce domaine les symboles ont de l’importance. »