Voici une longue citation du livre du cardinal Sarah sur l'idéologie du genre. Le cardinal présentera son ouvrage jeudi soir, 5 mars, à 20h, en l'église St-Eugène à Paris.
"Dans de nombreux discours, et dans ce livre, vous dénoncez explicitement la théorie du genre. Pourquoi cette insistance répétée ?
La philosophie africaine affirme: « L’homme n’est rien sans la femme, la femme n’est rien sans l’homme, et les deux ne sont rien sans un troisième élément qui est l’enfant. »
Fondamentalement, la vision africaine de l’homme est trinitaire. Il y a en chacun de nous quelque chose de divin ; Dieu un et trine nous habite et imprègne tout notre être.
Selon l’idéologie du genre, il n’existe pas de différence ontologique entre l’homme et la femme. Les identités masculine et féminine ne seraient pas inscrites dans la nature; il s’agirait du résultat d’une construction sociale, un rôle que jouent les individus à travers des tâches et des fonctions sociales. Pour ses théoriciens, le genre est performatif, et les différences homme-femme ne sont que des oppressions normatives, des stéréotypes culturels et des constructions sociales qu’il faut défaire afin de parvenir à la parité entre l’homme et la femme. L’idée d’une identité construite nie en fait de façon irréaliste l’importance du corps sexué. Un homme ne devient jamais une femme, celle-ci ne devient jamais un homme, quelles que soient les mutilations que l’un ou l’autre peut accepter de subir. Dire que la sexualité humaine ne dépendrait plus de l’identité de l’homme ou de la femme, mais des orientations sexuelles, comme l’homosexualité, est un totalitarisme onirique.
Je ne vois pas d’avenir possible à une telle supercherie. Mon inquiétude porte plus sur la manière dont des États et des organisations internationales tentent d’imposer par tous les moyens, souvent à marche forcée, la philosophie déconstructiviste dite du genre. Si la sexualité est uniquement une construction sociale et cultuelle, nous en venons à remette en cause la manière dont l’humanité se reproduit depuis ses origines. En fait, il est presque difficile de prendre au sérieux une vision si outrancière. Si des chercheurs se prêtent à des propos fantaisistes et dangereux, libre à eux; mais je n’accepterai jamais que ces théories soient imposées directement ou insidieusement à des populations sans défense. Comment voulez-vous qu’un petit enfant ou qu’un jeune adolescent des campagnes africaines reculées puisse se défendre face à de telles spéculations mensongères ?
Une chose est de respecter véritablement les personnes homosexuelles, qui ont droit à un authentique respect, et une autre de promouvoir l’homosexualité comme un modèle social.
Cette manière de concevoir les rapports humains est en fait une atteinte aux personnes homosexuelles, victimes d’idéologues indifférents à leur sort. Il faut certes prendre garde que les homosexuels ne fassent l’objet d’attaques, souvent honteuses et insidieuses. Pourtant, Je crois aberrant de vouloir ériger cette sexualité en idéologie progressiste. Je constate une volonté de certaines structures influentes à faire de l’homosexualité la pierre angulaire d’une nouvelle éthique mondiale. Tout projet idéologique extrémiste porte en lui son propre échec; à terme, je crains que les personnes homosexuelles ne soient les premières victimes de tels débordements politiques.
C’est avec raison que Benoît XVI souligne, dans ses derniers vœux à la Curie, que « l’identité européenne se manifeste dans le mariage et la famille. Le mariage monogamique, la structure fondamentale de la relation entre l’épouse et l’époux, ainsi que la famille conçue comme cellule de formation pour la communauté sociale, voilà ce qui fut modelé à partir de la foi biblique ».
À l’inverse, il existe des tentatives répétées pour implanter une nouvelle culture qui nie l’héritage chrétien.
Concernant mon continent d’origine, je veux dénoncer avec force une volonté d’imposer de fausses valeurs en utilisant des arguments politiques et financiers. Dans certains pays africains, des ministères dédiés à la théorie du genre ont été créés en échange de soutiens économiques !
Quelques gouvernements africains, heureusement minoritaires, ont déjà cédé aux pressions en faveur d’un accès universel aux droits sexuels et reproductifs. Nous constatons avec une grande souffrance que la santé reproductive est devenue une « norme» politique mondiale, contenant ce que l’Occident a de plus pervers à offrir au reste du monde en quête de développement intégral.
Comment des chefs d’États occidentaux peuvent-ils exercer une telle pression sur leurs homologues de pays souvent fragiles? L’idéologie du genre est devenue la condition perverse pour la coopération et le développement.
En Occident, des personnes homosexuelles réclament que leur vie commune soit juridiquement reconnue, pour être assimilée au mariage; faisant écho à leurs revendications, des organisations exercent de fortes pressions pour que ce modèle soit aussi reconnu par les gouvernements africains au titre du respect des droits humains. Dans ce cas précis, nous sortons, à mon sens, de l’histoire morale de l’humanité. Dans d’autres cas, j’ai pu constater l’existence de programmes internationaux qui imposent l’avortement et la stérilisation des femmes.
Ces politiques sont d’autant plus hideuses que la plus grande partie des populations africaines sont sans défense, à la merci d’idéologues occidentaux fanatiques. Les pauvres demandent un peu d’aide, et des hommes sont suffisamment cruels pour empoisonner leur esprit. L’Afrique et l’Asie doivent absolument protéger leurs cultures et leurs valeurs propres. Les agences internationales n’ont en fait aucun droit de pratiquer ce nouveau colonialisme malthusien et brutal. Par ignorance ou complicité, les gouvernements africains et asiatiques seraient coupables de laisser euthanasier leurs peuples. L’humanité perdrait beaucoup si ces continents venaient à tomber dans le grand magma indistinct du mondialisme, tourné vers un idéal inhumain qui est en fait une hideuse barbarie oligarchique.
Le Saint-Siège doit jouer son rôle. Nous ne pouvons accepter la propagande et les groupes de pression des lobbies LGBT -lesbiens, gays, bisexuels et transgenres. Le processus est d’autant plus inquiétant qu’il est rapide et récent. Pourquoi cette volonté forcenée d’imposer la théorie du genre ? Une vision anthropologique inconnue il y a quelques années, fruit de l’étrange pensée de quelques sociologues et écrivains, comme Michel Foucault, deviendrait le nouvel eldorado du monde ?
Il n’est pas possible de rester inerte devant une telle supercherie, immorale et démoniaque".