Alain Chouet a été jusqu’en 2002 chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE. Il répond à La Nef :
"Comme son nom l’indique la violence politique islamiste s’étend dans l’ensemble de l’aire musulmane, y compris ses communautés émigrées dans le reste du monde.
Elle est le produit paroxystique d’un cocktail explosif de trois éléments disparates :
– une stratégie confuse mais efficace de contrôle des masses par l’Association des Frères Musulmans qui est un mouvement populiste, démagogique et sectaire transnational dont l’objectif est de s’emparer du pouvoir et des rentes qui y sont liées dans le monde musulman ;
– un soutien financier délibéré ou indirect de cette stratégie par des institutions publiques ou privées des monarchies wahhabites (Arabie Saoudite, Qatar) qui cherchent à asseoir leur légitimité politique dans le champ du religieux ;
– un regrettable penchant des services et de la diplomatie américaine à soutenir dans le monde entier les régimes et les mouvements politiques les plus réactionnaires et les plus intégristes dans leur politique de « containment » de l’URSS d’abord et de l’Iran ensuite. Il ne faut quand même pas oublier que de 1980 à 1990, ce sont les services américains qui ont directement ou indirectement formé et armé les Taliban et les volontaires arabes d’Afghanistan réunis ensuite dans al-Qaïda.
Mais, dans tous les cas, ce sont les Jamaa Islamiyyah (les groupes islamiques dont al-Qaïda n’est que l’une des émanations) – branche transgressive et bras armé de l’association des Frères Musulmans – qui sont à la manœuvre. Leur stratégie, conforme aux prescriptions de leurs fondateurs, est de rendre le monde musulman haineux et haïssable à l’égard de l’Occident de façon à pouvoir y prendre le pouvoir sans que personne n’ait envie d’intervenir. […]Terrorisme islamique, Irak, Syrie, Libye, Égypte… : comment analysez-vous la politique française ?
En tant qu’ancien fonctionnaire d’autorité soumis au devoir de réserve, je m’interdis de porter publiquement des jugements sur la politique française. Mais, comme tout citoyen, j’observe ce qui se passe en Libye, en Syrie, en Égypte, au Yémen et ailleurs. Je constate que nous combattons au Sahel ceux que nous soutenons en Syrie et que nous avons ouvert les portes du pouvoir à des forces politiques encore plus violentes que les dictateurs qu’elles ont remplacé et qui ne nous témoignent aucune sympathie, bien au contraire. Tout cela me paraît manquer de cohérence et de lisibilité. […]"