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France : Société

Grèves de riches

De Michel de Poncins :

G"Le droit de grève est inscrit dans la constitution, on se demande pourquoi, et, en plus, il semble se situer dans l'opinion collective à un niveau supérieur à tous les autres droits comme le droit de consommer, le droit de travailler, le droit de circuler, le droit de se soigner, lesquels devraient lui être très supérieurs.

Sa justification repose historiquement sur l'idée que la grève aurait été la source de progrès sociaux considérables notamment au 19e siècle. Si le tabou n'existait pas, des recherches attentives montreraient que les progrès sociaux ont été bien davantage le résultat de progrès techniques sous l'aiguillon du marché, ces progrès ayant suscité l'amélioration rapide de la condition économique de toute la population.

La grève est immorale car c'est la rupture d'un contrat, à savoir le contrat de travail entre deux personnes, l'employeur et l'employé. Dans une économie peu diversifiée, comme elle existait encore il y a de très nombreuses années, le conflit social ne touchait pratiquement que les patrons sans que le reste de la population n'en souffre. Dans l'économie extraordinairement enchevêtrée et diversifiée que nous connaissons actuellement, la grève, surtout quand elle est utilisée dans des nœuds économiques, touche des milliers ou des millions de personnes. Les grèves sont, très souvent, des grèves de riches, comme celles des pilotes ou des contrôleurs aériens.

Une remarque importante est que la grève a lieu principalement dans les structures publiques, donc à l'abri de la concurrence, ou dans de très grandes firmes privées. En revanche, dans les PME et les TPE, les grèves sont fort rares ; le personnel est solidaire des patrons et sait très bien que la richesse de l'entreprise conduit chacun à s’enrichir."

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8 commentaires

  1. Je mettrai un simple bémol à cet article (plein de bon sens par ailleurs).
    Il existe des secteurs où la grève est non seulement interdite – si l’on veut garder son emploi – mais où en plus les patrons sont des autistes profonds…
    Je travaille dans une SSII (et j’en ai fait plusieurs) : ce sont les marchands de viande modernes.

  2. Il est évident comme dit M de Poncins, que ce ne sont pas les grèves qui sont le facteur principal des progrès sociaux et qu’en bien des cas elles causent plus d’inconvénients que de bénéfices (voir l’effet des grèves sur le traffic des ports français) sinon la situation serait bien meilleure en France ou en Italie, pays où la grève fait partie de la culture, qu’en Allemagne, en Suisse, au Danemark, en Suède ou autres. Ceci dit, ce cliché des grèves moteur du progrès social qui a sa source dans le marxisme, a tellement été répété dans les média pendant des décennies qu’on a l’impression de dire quelque chose d’original en rappelant qu’il est faux.

  3. L’encyclique du Pape Léon XIII, Rerum Novarum, reconnaît que les grèves sont un mal … nécessaire et expliquable … quand elles luttent contre une injustice. Il ne demande pas qu’elles soient interdites ou empêchées, mais ques les injustices qui les causent soient résolues par la loi : “Il n’est pas rare qu’un travail trop prolongé ou trop pénible, et un salaire jugé trop faible, donnent lieu à ces chômages voulus et concertés qu’on appelle des grèves. À cette maladie si commune et en même temps si dangereuse, il appartient au pouvoir public de porter un remède. Ces chômages en effet, non seulement tournent au détriment des patrons et des ouvriers eux-mêmes, mais ils entravent le commerce et nuisent aux intérêts généraux de la société. Comme ils dégénèrent facilement en violences et en tumultes, la tranquillité publique s’en trouve souvent compromise.
    Mais ici il est plus efficace et plus salutaire que l’autorité des lois prévienne le mal et l’empêche de se produire, en écartant avec sagesse les causes qui paraissent de nature à exciter des conflits entre ouvriers et patrons.
    … Mais dans ces cas (de salaires insuffisants) et autres analogues, comme en ce qui concerne la journée de travail et les soins de la santé des ouvriers dans les usines, … préférable d’en réserver en principe la solution aux corporations ou syndicats.” Ce qui revient à définir des conventions collectives réalistes, que monsieur de Poncins ne porte pas dans son coeur.

  4. J’invite à lire le livre de Walter J. Ciszek “Avec Dieu au goulag”, témoignage d’un jésuite interné 23 ans en Sibérie : développant l’action divine en son âme, il insiste sur la noblesse du travail, même dans ses formes les plus brutales, deshumanisantes et dégradantes.
    Il rappelle que le travail est une manière de coopérer son salut en accomplissant la volonté de Dieu : tout est dans la motivation et la conscience de prendre ainsi part à l’oeuvre de la création divine. Il est rédempteur.
    Excusez-moi si vous trouvez cette remarque hors sujet et ne la diffusez pas alors.

  5. M. de Poncins n’a pas tord dans son analyse.
    Mais quel autre moyen existe-t-il aujourd’hui pour se faire entendre dans un monde où l’économie est devenue folle ?
    De plus en plus de salariés, à tous les échelons, triment comme des bêtes de somme
    pour des salaires qui s’effondrent depuis des années et continueront de s’effondrer.
    Sur leur tableau de bord nos dirigeants ne possèdent plus que des voyants.
    Tous les boutons de commande de notre économie nous ont été retirés sauf un: le niveau des salaires à tirer de toute force vers le bas.
    La grande majorité des patrons ne sont pas responsables de cette situation (à l’exception des grands groupes).
    Les responsables sont bel et bien les politiques !
    La grève ne devrait être que l’ultime et dernier recours, mais les syndicats en usent et en abusent beaucoup trop.

  6. @majacquet
    Non, la grève n’est pas “l’ultime et dernier recours”.
    Le dernier recours pour une victime est de quitter l’organisation, publique ou privée, qui l’emploie. C’est parfois quasi-impossible. Le plus souvent c’est difficile à imaginer, et pourtant une vraie option est ouverte que l’on ne veut pas voir. Cela implique des renoncements (moindre salaire, retraite prise plus tot et moins avantageuse, déménagement…) ou un changement de vie (par exemple l’un des deux époux s’occupe du foyer plutot que travailler tous les deux, monter une petite activité, …). L’entourage peut aider à discerner, derrière les renoncements douloureux, une voie plus heureuse, plus sereine.

  7. @ VD
    Vous faites donc l’éloge de l’esclavage ?
    Je pense que pour écrire de telles choses vous n’avez jamais dû connaître des conditions de travail très dures…
    Par ailleurs, je suis désolée d’être en désaccord avec la majorité des commentaires, mais aucune amélioration des conditions de travail n’a jamais été accordée spontanément par le patronat. Il a fallu lutter pour les obtenir.
    Combien de temps a-t-il fallu, par exemple, pour obtenir l’interdiction du travail des enfants (au milieu du XIXe siècle, dans certaines usines textiles du Nord, des fillettes de 10 ans étaient employées de 6 heures du matin à 22 heures, 7 jours sur 7) ?

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