Guillaume de Thieulloy, directeur des 4 Vérités, était l'invité du Forum Catholique ce soir. A un lecteur lui demandant si on peut être catholique et libéral, il répond :
"Le vrai problème, me semble-t-il, est de définir le libéralisme.
Si on l'entend au sens du libéralisme philosophique (et, plus encore,
théologique), c'est-à-dire au sens d'une suspicion sur la possibilité
même d'une vérité, il est clair qu'on ne peut pas être catholique et
libéral.Au sens du libéralisme politique, je serai moins catégorique.
J'observe seulement que l'immense majorité des libéraux politiques, en
France en tout cas, ont été fort hostiles au catholicisme (plus
exactement, ils ont estimé que le catholicisme, c'était bon pour les
pauvres qui, grâce à lui, apprenaient à supporter leur condition):
qu'il suffise de penser à la monarchie de Juillet. Bref, il est peut-être possible à un catholique d'être libéral en
politique, mais, comme disait Gabin, à propos des députés honnêtes et
des poissons volants, ce n'est pas la loi du genre! Et, en tout cas, ce
n'est pas ma tradition politique.Au sens du libéralisme économique, je serai encore moins
catégorique. Si on entend par libéralisme économique, l'absence totale
de règle pour l'établissement des relations d'échange entre les hommes,
il me semble impossible d'être catholique et de soutenir cela. Si on
entend par là l'anti-socialisme, il me semble impossible de ne pas
l'être. Entre ces deux thèses extrêmes, il existe tout un éventail de
solutions envisageables qu'il faudrait étudier au cas par cas.Pour ne pas me dérober derrière des galéjades, j'ajoute que,
personnellement, je suis favorable à des libertés économiques très
étendues (y compris jusqu'à la possibilité de gérer les litiges devant
des tribunaux privés, dans le cadre de médiations, analogues à ce qui
se pratiquait au Moyen Âge; jusqu'à la possibilité pour chaque
profession de "légiférer" pour son propre compte; et jusqu'à la
possibilité pour chaque profession de sanctionner par une sorte de
"pouvoir exécutif" les manquements à sa "législation"). Il me semble
que ces libertés très étendues sont une conséquence du principe de
subsidiarité."
Tonio
“l’absence totale de règle pour l’établissement des relations d’échange entre les hommes” n’est pas du libéralisme économique, même pas une forme ou un extrême du libéralisme, c’est l’anarchisme économique.
Pour qu’il y ait liberté d’entreprendre, il faut justement des règles : pour préserver cette liberté de la rapacité des puissants, des installés, du pouvoir politique qui veut préempter pour son propre compte les bénéfices du travail des acteurs économiques par une taxation excessive ou la suppression de la propriété privée (nationalisation entre autre).
Une économie, même libérale, pour se développer a besoin de sécurité et de stabilité, donc de règles et de lois.
En revanche les professions qui légifèrent pour leur propre compte c’est l’antithèse du libéralisme, c’est du protectionnisme pur et dur. Sur ce sujet, voyez Bastiat, “Les harmonies économiques”.
RL
D’accord avec Tonio, ne pas confondre liberté et anarchisme. Le vrai libéralisme a besoin de règles fortes car, selon le lieu commun, la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.
Le vrai libéralisme se retrouve chez Alphonse Allais.
Vous pouvez aussi aller voir http://www.libres.org
RL
Maurice Allais, excusez-moi.
Greg
Pour RL:
Pas d’excuses!
:-)
J’aime aussi beaucoup Alphonse Allais qui est plutôt réactionnaire, anti-bobos et pas si libéral que cela.
Dans les débats pour ou contre la peine de mort à son époque, il avait ironisé (par exemple):
– Bien d’accord, mais que messieurs les assassins commencent…
Comme disait l’autre, “si la liberté des uns s’arrrête là où commence celle des autres… eh bien, l’autre pourrait commencer par se pousser tout de même un peu plus loin!”
:-))
Soleil Xavier
J’ai rarement vu un point-de-vue aussi juste exposé et argumenté aussi clairement.
Ethos
Nous sommes très loin du pragmatisme qu’impliquerait la subsidiarité bien comprise et déclinée dans tous les rouages de la vie civile. Nous lui tournons le dos à cause de “nos” mentalités d’assistés apeurés. Et c’est au coeur de nos familles qu’il faut reconstruire un avenir où la subsidiarité sera un principe vivant.
L’envahissement par l’Etat de toutes les sphères de la vie, y compris privée et intime (télévision, internet avec leurs trains de propagande) a fait reculer la liberté à un point inoui puisque sur des sujets essentiels règne non pas tant l’omerta que l’autosensure des personnes qui pensent autrement et ce n’est pas nouveau. Jusqu’au refus de l’isoloir qui démontre que le système n’est pas celui que l’on croit!
L’homme a besoin de la Loi, de la règle, non pour l’enfreindre mais pour ne pas tomber dans le chaos :
– Loi de Dieu qui est en son coeur,
– loi civile et pénale pour régler la vie
en société,
– loi particulière qui préserve la société
de ses institutions,
sans quoi règne l’anarchie avec cette terrible constante que c’est le plus fort qui gagne, et qui écrit l’histoire en vertu du séculaire “vae victis!”.
Le reflux du catholicisme est aussi un reflux de l’intelligence laquelle ne doit pas confondre une doctrine utilitariste et horizontale avec Le chemin de vie vers la fin de l’homme.
Crooks
Ces réponses intéressantes gagneraient en clarté si on tenait compte des observations suivantes
DES MOTS EN ACCORD AVEC LA PENSEE
Pour clarifier les idées et les échanges, il est important d’utiliser de bons mots pour exprimer sa pensée. Ce n’est forcément évident pour beaucoup.
A partir de noms exprimant une réalité bonne : liberté, tout, capital, mœurs …
les intellectuels ont pu faire naître des adjectifs : libéral ; total ; capitalisé ; moral.
Mais aussi des mots qui en indiquent des dérives (souvent en -isme). Ainsi les substantifs :
Libéralisme… (abus de la liberté), moralisme… (conventions plaquées)… totalitarisme, capitalisme, etc…
Les adjectifs correspondants doivent aussi signifier ces dérives : Moraliste, totalitariste, capitaliste, ….
Curieusement, on ne trouve pas “libéraliste”.
On emploie ainsi indifféremment “libéral” en un sens salubre et en un sens abusif.
C’est source de malentendu dans beaucoup d’échanges…
Ainsi, dans l’article ci-dessus, la distinction selon les domaines (philosophique, théologique, économique, politique…) pourrait être clarifiée par l’emploi d’un adjectif différent.
Je plaide fortement pour employer “libéraliste”, en lieu et place de “libéral” dès lors qu’on parle d’un abus, d’une dérive.
Ainsi, dans mains articles ou propos, “théorie ultralibéral” deviendrait “théorie libéraliste” ; “mondialisation libérale” = “mondialisation libéraliste” ; “économie libérale” = “économie libéraliste” ; “dogme libéral de l’autorégulation” = “dogme libéraliste de l’autorégulation” ; “krach de l’économie financière libérale” = “krach de l’économie financière libéraliste” ; etc…
Ce serait plus clair pour tout le monde. Il faut accréditer des mots nouveaux pour être plus vrai.
Réécrire le texte proposé
“Le vrai problème n’est-il pas de définir le libéralisme ? En fait, c’est d’employer les bons mots :
…..Si on l’entend au sens du libéralisme philosophique (et, plus encore, théologique) c’est-à-dire au sens d’une suspicion sur la possibilité même d’une vérité,(= Philosophie LIBÉRALISTE), il est clair qu’on ne peut pas être catholique et libéral.
Au sens du libéralisme politique, on observe que l’immense majorité des libéraux politiques, en France en tout cas, ont été fort hostiles au catholicisme (plus exactement, ils ont estimé que le catholicisme, c’était bon pour les pauvres qui, grâce à lui, apprenaient à supporter leur condition) : qu’il suffise de penser à la monarchie de Juillet. Bref, il est recommandé à un catholique d’être libéral en politique, mais pas libéraliste…
Politique libérale ≠ POLITIQUE LIBÉRALISTE
Au sens du libéralisme économique, on peut être moins catégorique : – Si on entend par libéralisme économique, l’absence totale de règle pour l’établissement des relations d’échange entre les hommes, il me semble impossible d’être catholique et de soutenir cela, c’est de l’économie libéraliste… – Si on entend par là l’anti-socialisme, on peut être les deux (catholique et libéral) et promouvoir une économie libérale. (Entre ces deux thèses extrêmes, il existe tout un éventail de solutions envisageables qu’il faudrait étudier au cas par cas.)
Économie libérale ≠ économie LIBÉRALISTE
…..”
Tonio
@ crooks
C’est bien gentil, mais c’est faut.
Le suffixe -isme ne désigne pas une dérive comme vous le pensez/souhaiteriez, mais :
I. – Le suffixe implique une prise de position, théorique ou pratique, en faveur de la réalité ou de la notion que dénote la base
A. − Le mot désigne une doctrine, une croyance, un système, un mode de vie, de pensée ou d’action, une tendance
1. PHILOSOPHIE
2. RELIGION
3. POL., SOCIOL., ÉCON. (les thèmes qui nous concernent ici)
4. ÉTHIQUE
5. ARTS, ARCHIT., LITT., SCIENCES, SPORTS…
B. – 1. Le mot désigne une attitude, un comportement
2. (Spécifique) Le mot désigne une attitude, un comportement pathologique.
II. − Le suff. implique une activité en rapport avec l’objet que dénote la base
A. − Le mot désigne une activité, une sphère d’activités professionnelles, sociales, sportive, etc.
B. − Le mot désigne une intoxication, l’usage excessif d’un produit
C. − Le mot désigne un mode de raisonnement ou d’expression
III. − Le suff. implique la simple constatation d’un fait, d’une réalité
.
.
.
C. …
2. BIOL., MÉD.
– A – Le mot désigne un trouble, une affection (sens hyperspécifique, le plus proche de celui que vous invoquez, mais dans un tout autre domaine).
Quant au suffixe formateur des adjectifs ou des substantifs, -iste, on ne retrouve jamais le sens de “dérive”, ni de trouble ou d’affection.
Avant d’inventer de nouveaux mots (maux ?), contentons-nous de bien employer les mots existants. Le capitalisme et le libéralismes ne sont pas des dérives. Pas plus que le nazisme est une dérive du nazi, mais la doctrine du nazi.
(Et hop ! direct le point Godwin !! tout seul !)
http://www.cnrtl.fr/definition/-isme
http://www.cnrtl.fr/definition/-iste
Tonio
euh… “faux”, désolé…
Ethos
Je ne veux pas faire le cuistre, mais le libéralisme, tel que nous pouvons l’entendre et tel que nous le subissons dans l’exportation du travail et de la valeur ajoutée, sans parler du savoir-faire ainsi perdu comme notre industrie (merci les gourous de l’échange international, puis de la spécialisation internationale si chère à Hecker et Olin, Samuelson et son “modèle standart” dont on bourre le crâne de nos chères têtes blondes) le libéralisme donc n’est jamais que le fruit d’une inspiration qui n’est pas chrétienne et ne peut pas le devenir, car dans ses fondements (John Stuart Mill) la vision essentielle de l’homme est ahurissante! comme si dans tous les actes humains il n’y avait que l’Utilitarisme comme critère de la volition ou de l’action.
Cordialement
Ethos
Ethos
Heckscher , pardon.
pg
Bravo à Guillaume de THIEULLOY, qui dépoussière un vieux débat.
Les catholiques contre révolutionnaires et les catholiques sociaux du XIX ème avaient en effet comme adversaires politiques les représentants de la bourgeoisie voltairienne et orléaniste, puis républicaine, qui se disait libérale au sens philosophique et politique des Lumières, mais qui ne l’était d’ailleurs nullement au sens économique, car elle réclamait protectionnisme et réglementations. Se plaçant en héritière de la Révolution Française, cette bourgeoisie dite libérale fut en réalité très jacobine et étatiste sur le plan social, refusant dans la ligne des lois liberticides d’Allarde et Le Chapelier toutes les libertés naturelles aux corps sociaux.
En ce sens, en réclamant le respect des droits naturels des corps intermédiaires les catholiques sociaux français, allemands et autrichiens furent d’authentiques libéraux, au sens économique et social de ce mot, dans la filiation des néo thomistes espagnols du XVI ème. Le malheur a voulu qu’ils disparaissent progressivement au sein du catholicisme, à partir du début XXème et que la revendication des libertés n’ait été reprise que par des économistes libéraux, souvent non chrétiens d’inspiration. Le catholicisme social s’est défini alors comme anti libéral particulièrement sous l’influence des doctrines démocrates-chrétiennes, et s’est souvent teinté de social démocratie, ce qui l’a mené à une impasse étatiste et à des alliances politiques contre nature.
Guillaume de Thieulloy remet les pendules à l’heure.
Romain Dyli
Merci à vous, Guillaume de Thieulloy.
Vous confirmez donc le fait que d’être catholique et libéral (économique)n’est pas incompatible. Il est vrai que cette question sur la définition du libéralisme est très difficile à résoudre. On peut donc s’interroger par exemple lorsqu’on passe notre temps à critiquer soit disant “le capitalisme” actuel soit disant responsable de la crise actuelle… alors qu’à côté les Etats n’ont jamais autant gaspillé d’argent dans les “politiques sociales”