Selon Jean-Marie Guénois dans Le Figaro :
Cette étude de huit membres éminents de l’Académie catholique de France, dont Hugues Portelli, son président, et le philosophe Pierre Manent, sans être un document officiel de cette instance, a déjà joué un rôle décisif. Sans elle, et d’autres interventions, le pape François n’aurait pas annulé – officiellement « reporté » – l’audience qu’il avait prévu d’accorder, avec l’appui de la Conférence des Évêques, à Jean-Marc Sauvé et toute l’équipe de la CIASE, le 9 décembre prochain à Rome. C’est le signe objectif d’un mécontentement certain à Rome et surtout d’une lourde déception précisément sur les failles du rapport de la CIASE mises à jour par cette étude. Déconvenue d’autant plus cuisante que l’impact international du rapport CIASE a été puissant et qu’il fut même publiquement salué par le pape le 6 octobre, qui n’en avait pourtant encore rien lu.
Le rapport critique est accessible en ligne ici. On lit notamment dans les 15 pages une critique des chiffres extrapolés par la CIASE :
Un gouffre sépare le nombre des témoignages reçus par la CIASE (2738), le chiffrage des victimes relevées par l’étude de l’EPHE (École Pratique des Hautes Études) diligentée par la CIASE (4832), l’extrapolation de cette même équipe de chercheurs qui atteint le chiffre maximum de 27 808 évaluées à partir des données recueillies par cette étude et les estimations faites à partir d’un sondage conduit par l’IFOP (Institut français d’Opinion publique) qui a permis à cet institut de sondage d’extrapoler au niveau de la population française adulte pour parvenir à plusieurs centaines de milliers de victimes, avec un chiffre de 216 000 victimes de clercs, chiffre porté à 330 000 victimes en y incluant les victimes de laïcs. (…) Le calcul des résultats laisse également perplexe. Le chiffre de 118 personnes déclarant avoir été abusées par un prêtre donne un pourcentage de 0,42 % et celui de 53 pour les personnes se déclarant abusées par un laïc un pourcentage de 0,19 % soit des chiffres nettement en deçà de ceux qui permettent une interprétation statistique (le chiffre de valeur absolue retenu permettant une interprétation doit être supérieur ou égal à 15, ce qui écarte toutes les enquêtes relatives à l’Église catholique) et la marge d’erreur qui subsiste dans ce type de sondage (liée à la représentativité, au choix de l’échantillon, à la formulation et à la séquence des questions) est supérieure aux résultats obtenus. En raison de la faiblesse du chiffre de départ et des biais inévitables de l’enquête, il n’est pas possible d’extrapoler pour transposer à l’échelle de la population française adulte (47 millions de personnes) et les chiffres avancés et jetés en pâture aux médias et à l’opinion ne résisteraient pas à une enquête plus approfondie.
C’est d’autant plus un camouflet pour Jean-Marc Sauvé, qu‘il est lui-même membre de cette Académie catholique. Interrogé dans La Croix, il fait part de son amertume :
Je m’attendais à des attaques contre le rapport de la Ciase et donc je ne suis nullement surpris. Je les pressentais plus précoces et très fortes, en particulier des milieux traditionalistes. C’est venu de l’Académie catholique.
La critique de notre rapport est bien sûr légitime. Je l’ai écrit dès son avant-propos. Mais dans ce cas, j’éprouve des sentiments de tristesse, et même d’affliction, car je suis moi-même membre de cette Académie. Les règles du procès équitable et la simple confraternité auraient pu justifier des questions préalables, si ce n’est un débat contradictoire. Rien de ce qui s’est passé n’a été élégant, ni loyal.
Le rapport de l’Académie n’est pas spécialement aimable, mais le message de transmission de ce rapport aux autorités de l’Église, qui reste secret, est un tissu d’attaques venimeuses assorties d’une injonction faite à l’Église de s’abstenir de toute mesure de réparation et de toute modification de ses règles, tant que la « vérité objective » n’aura pas été établie.
Cette injonction est particulièrement inconvenante au regard des décisions déjà prises par l’Église et de la modestie de l’argumentation de ces membres de l’Académie catholique. Les signataires de ce texte ont procédé conformément au pire d’une certaine culture catholique, c’est-à-dire secrètement, sans débat contradictoire et en faisant d’abord de la dénonciation aux autorités.
Je le dis d’autant plus volontiers qu’Hugues Portelli m’avait invité mi-septembre à rendre compte du rapport de la Ciase devant les membres de l’Académie le 14 octobre, invitation qu’il a finalement reportée sine die, et sans réelle explication, deux jours après que j’ai répondu positivement.