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France : Société / Valeurs chrétiennes : Culture

Identité : la France a besoin de sortir de son amnésie culturelle

Dans Permanences, Guillaume de Prémare indique que la forte soif d'identité est née de la déliquescence actuelle de la société :

Identite_2-510x275"[…] on parle aujourd’hui de « dissociété », c’est-à-dire une juxtaposition d’individus dissociés. Là où nous voulions que la personne soit centrale, c’est « l’individu particulier » qui règne. Là où nous voulions que les personnes bénéficient de droits inaliénables, nous avons développé l’idée de progrès sur l’extension permanente des droits individuels, sans égard pour ce qui fait la cohésion d’une collectivité. Le « contrat social » devait assurer un lien conscient et consenti entre l’individu et la société ; reconnaissons que le « contrat » ne suffit pas quand la société se morcelle dans la concurrence des revendications particulières. Notre substance sociale est devenue en quelque sorte indéfinie, les sociabilités sont en friche, le civisme est en recul, la culture est atomisée ; et chacun se demande aujourd’hui ce qui pourrait créer à nouveau « du commun ».

Panne de substance commune

Cette panne de substance commune constitue probablement l’une des angoisses existentielles majeures de notre temps. La nature sociale de l’homme revient au galop : l’individu ne se suffit pas à lui-même et se cherche, non seulement des liens, mais une appartenance ; ou plutôt il recherche des liens fondés sur une appartenance commune et tendus vers un projet collectif. Ici se situe un aspect majeur de la panne postmoderne. Cette soif d’appartenance est l’un des éléments structurants de la problématique contemporaine. De la réponse qui pourra y être apportée dépendra en partie notre capacité à poursuivre le cours historique de notre civilisation. […]

Voici donc la trame de fond sur laquelle revient en force, dans la sociologie des profondeurs de nos pays occidentaux, la notion d’identité, c’est-à-dire le « caractère fondamental et permanent de quelqu’un, d’un groupe». La France est l’un des pays européens où la question de l’identité est la plus vive. Ce surgissement historique se fait dans un contexte tendu : en même temps que se déploie la recherche de substance commune, s’exprime un puissant refus de la dissolution des particularismes dans un grand tout indéfini. Ce qui fait réagir le peuple profond, c’est ce que Laurent Bouvet nomme « l’insécurité culturelle », durement vécue dans des territoires en rupture avec la culture cosmopolite des grandes métropoles, des territoires qui tombent progressivement en déshérence économique et sociale. Les classes populaires délaissées et les classes moyennes en voie de déclassement de « la France périphérique » sont toujours davantage en état de sécession avec la culture dominante portée par le consensus des élites urbaines acquises à la globalisation, à ce que l’on nomme la « société ouverte ». C’est un phénomène politique que Laurent Bouvet considère comme crucial : « Articuler la question sociale et la question identitaire est une nécessité absolue », affirme le politologue jadis proche du Parti socialiste, qui appelle à « reconstruire du commun, celui dont parlait Renan, celui dont parlait Péguy ». […]

La présence de plus en plus visible de l’islam dans l’espace public et la crise migratoire constituent des facteurs d’accélération et d’aggravation du phénomène d’atomisation tribale. De fait, se développe aujourd’hui une angoisse du « grand remplacement », qui ne touche pas seulement les zones urbaines à forte proportion de populations d’origine étrangère, mais aussi la France périphérique. Il s’agit ici d’une angoisse démographique. […]

C’est alors que l’angoisse identitaire – qui sommes-nous ? – se transforme peu à peu en « angoisse ethnique » – quel danger représente l’autre ? Ce que les mouvances identitaires nomment depuis déjà longtemps « la prise de conscience ethnique » dépasse aujourd’hui ce micromilieu marginal et ultra-minoritaire. Il n’est nul besoin aujourd’hui pour un Français d’ancienne souche de lire les thèses identitaires pour commencer à éprouver cette « angoisse ethnique », ni de lire Renaud Camus pour accréditer la thèse du « grand remplacement » par des populations qui sont non seulement issues d’une autre culture, et majoritairement d’une autre religion, mais encore d’autres origines ethniques. Et le caractère ethnique constitue un élément immédiatement visible de la problématique démographique. Ce surgissement du paradigme ethnique est à prendre au sérieux parce qu’il porte les germes d’une partition qui constituerait le terreau optimal pour alimenter la guerre intérieure souhaitée par les propagateurs de l’islam radical. C’est particulièrement grave parce que le paradigme ethnique porte en lui un potentiel de violence destructrice. […]

Faire face à ce risque commande de déployer une vision ajustée de l’identité. Plutôt qu’une identité défensive qui serait à la fois le refuge et l’arme d’une tribu de « Français de souche de culture chrétienne », la France a besoin de sortir de son amnésie culturelle – y compris de son oubli, parfois volontaire et idéologique, de sa source chrétienne – pour faire appel au meilleur de sa mémoire et de son identité. Cette mémoire et cette identité n’ont pas vocation à fournir les marqueurs particuliers d’une tribu, mais à constituer un élément substantiel du « commun ». Il s’agit de déployer à nouveau le meilleur de ce qui constitue notre culture. Voici qui appelle un patriotisme amoureux, pour aimer la substance française et la faire aimer. On ne recrée pas du « commun » ex nihilo par le miracle d’un supposé « nouveau contrat social », on recrée du commun à partir d’un héritage vivant, à partir de ce que nous avons reçu et que nous avons le devoir de donner et partager. Il s’agit ici d’une identité-don, d’une identité-partage. Une échelle de valeurs universelles partagées ne peut suffire à en fournir le contenu : cette identité repose sur la nation considérée principalement dans son acception culturelle, et certainement pas dans une dimension ethnique ou ethno-religieuse. […]"

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