"croyez-vous que ce soit pour faire la grandeur des avocats du Directoire, des Carnot, des Barras, que je triomphe en Italie ? Croyez-vous aussi que ce soit pour fonder une république ? Quelle idée ! Une république de trente millions d’hommes ! Avec nos mœurs, nos vices ! Où en est la possibilité ? C’est une chimère dont les Français sont engoués, mais qui passera avec tant d’autres. Il leur faut de la gloire, les satisfactions de la vanité ; mais la liberté, ils n’y entendent rien. Voyez l’armée : les succès que nous venons de remporter, nos triomphes ont déjà rendu le soldat français à son véritable caractère. Je suis tout pour lui. Que le Directoire s’avise de vouloir m’ôter le commandement, et il verra s’il est le maître. Il faut à la nation un chef, un chef illustre par la gloire, et non pas des théories de gouvernement, des phrases, des discours d’idéologue auxquels les Français n’entendent rien… Quant à votre pays, monsieur de Melzi, il y a encore moins qu’en France d’éléments de républicanisme, et il faut encore moins de façons avec lui qu’avec tout autre…»[1]
[1] Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, Le régime moderne I, Paris, Hachette, 1879, p. 69