Le professeur Abiola Félix Iroko, Professeur au département d’histoire et d’archéologie de l’université d’Abomey-Calavi (Bénin), déclare sur Bénin Web TV :
[…] Lorsqu’on parle de la traite négrière, les gens n’accusent que les Blancs. Mais ils sont venus (en Afrique) en acheteur et nous (Africains) avons été des vendeurs. La plupart des esclaves ont été achetés en bonne et due forme à Ouidah (Ex-port négrier du Bénin). C’est le « yovogan » [ le représentant des Blancs, ndlr], le représentant du roi qui fait gongonner la veille pour demander aux citoyens de venir vendre ce qu’ils ont (les esclaves). Cela signifie que la vente des esclaves n’était pas seulement un phénomène régalien. Le roi même en vendait. Le roi Adandozan (neuvième roi d’Abomey entre 1797 et 1818. Son nom, son règne et ses symboles ont été effacés de la tradition historique d’Abomey) a vendu la mère de son frère consanguin (prince Gakpe) devenu Guézo, par la suite.
Des Africains en ont donc profité. Il n’y a pas d’acheteurs sans vendeurs, nous (Africains) étions des vendeurs. Quand la traite a été supprimée, des Africains étaient contre l’abolition. Le Roi Kosoko de Lagos (Nigéria) était contre l’abolition à l’époque. Un roi de Dahomey dont je tais le nom était également contre l’abolition. La traite négrière qui a duré 4 siècles est un phénomène malheureux de longue durée qu’il faut ranger parmi les crimes contre l’humanité dont les Africains aussi sont en partie responsables. C’est une question de coresponsabilité. Ce n’est pas l’acheteur qu’il faut condamner, il faut condamner le vendeur aussi et davantage le vendeur parce que le vendeur a des liens d’affinité et de parenté avec celui qui est vendu. Parmi ceux qui ont été vendus et qui ont eu des descendances là-bas, beaucoup se sont retournés après l’abolition. Certains sont revenus chez eux avec des noms à consonance portugaise, Da-Silva, D’Oliveira …Malheureusement, certains d’entre eux venus au XIX siècle se sont transformés, à leur tour, en négrier et ont acheté des esclaves qu’ils font convoyer pour leurs correspondants restés au Brésil. Des Africains ont repris ce commerce après l’abolition.
Egalement, ceux qui ont supprimé la traite négrière ne l’ont pas fait parce qu’ils aimaient les Noirs. C’est parce qu’ils ont constaté à un moment donné, qu’avec le développement du capitalisme et surtout du machinisme, ils n’ont plus besoin d’autant de main d’œuvre. Ce qu’un esclave peut accomplir en 5 jours, en une journée, les machines peuvent le faire. Ce n’était pas par philanthropie comme beaucoup le pensent. […]