Nous avons interrogé Marc Eynaud, auteur d’un ouvrage sur la christianophobie :
Comment expliquez-vous la timidité du clergé français à dénoncer publiquement les attaques et profanations ?
La volonté de ne pas faire de vagues, en tout cas de ne pas jeter d’huile sur le feu. C’est bien compréhensible sur le plan humain mais on voit les conséquences. On est dans une logique qui consiste à se dire « moins on en parle, moins cela créera d’émules ou ne donnera l’idée à d’autres ». Mais cela contribue à créer pour les profanateurs et toute personne mal-avisée un profond sentiment d’impunité. C’est un prêtre qui me racontait que, confronté à une profanation, il avait refusé de porter plainte, il s’était fait proprement incendié par l’officier de police qui lui avait rétorqué « mais mon Père si vous ne portez pas plainte, comment espérez-vous qu’ils prennent conscience du mal qu’ils ont fait? » Cela a été pour lui un électrochoc et depuis, il porte plainte systématiquement. Mais il faut le dire aussi, la multiplication de ces crimes finit par alerter en haut lieu. Les incendies, pillages et profanations se multiplient.
Revenant sur la privation de culte public durant la pandémie, vous évoquez une situation similaire à la Terreur. N’est-ce pas un peu excessif ?
J’ai écrit textuellement : « Il faut revenir aux heures les plus noires de la Terreur pour trouver une situation similaire. Même si tout n’est pas comparable. Les catholiques ne sont pas persécutés; les prêtres ne sont pas guillotinés et les Vendéens sont toujours en vie. Mais, sur le plan philosophique et politique, jamais un gouvernement n’est allé aussi loin ». Nuance qui a son importance si vous me permettez. Il faut tout de même prendre conscience de la violence qui s’est exercée à l’encontre des catholiques : des prêtres dont la vie a été donné pour distribuer des sacrements se sont fait expliquer par les autorités civiles et parfois religieuses (ce qui est plus grave) qu’au fond ils exerçaient une sorte de commerce non essentiel. On a vu, heureusement de manière très exceptionnelle, des policiers entrer armés dans des églises pour interrompre un culte. Je sais bien que nous vivons dans une société de plus en plus violente mais il faut tout de meme prendre conscience de ce que cela représente, on a vu des curés se faire dénoncer par des voisins pour des célébrations devant une poignée de personnes… Oui ce n’est pas la Terreur et son lot de crimes mais la situation vécue pendant l’épidémie est quand même inédite.
Vous évoquez aussi l’occultisme, dont Marlène Schiappa est adepte. Au-delà des “déséquilibrés” et autres vandales qui pillent les églises, constatez-vous une croissance du satanisme ?
J’ai parlé de Marlène Schiappa et de Sandrine Rousseau parce qu’il y a une double conjoncture. Avec l’essor du néoféminisme, la société élève la sorcière au rang de figure féministe par excellence, une sorte d’icone de l’émancipation féminine face au pouvoir blanc patriarcal hétérosexuel que représenterait l’Église. L’autre conjoncture, c’est l’explosion de la « sorcellerie » chez les influenceurs et surtout influenceuses. Suivies par des dizaines voire des centaines de milliers de jeunes, ces « personnalités » abreuvent leur communauté de mixtures, sortilèges et autres actes ésotériques. Certains se vantent meme d’avoir passé des pactes avec le Diable. Dans l’immense majorité des cas, ce sont des gamineries, mais cela coïncide avec des déclarations comme celle de Marlène Schiappa qui a déclaré avoir des amies qui lui “tirent les cartes ou [lui] envoient des SMS avant des moments importants”, parlant même parfois de “formule de protection”. Elle raconte avoir toujours “du corail autour de son poignet et un bracelet avec le chiffre 4” sur elle, assurant que “ces croyances [lui] donnent confiance”. Au fond, c’est un effet de mode, mais derrière l’aspect « cool » et branché de la sorcellerie à la sauce millenial, on a une porte qui s’ouvre vers des actes beaucoup plus graves comme des profanations ou autres actes authentiquement satanistes.