Sylvain Crépon, de l’Observatoire des radicalités de la fondation Jean Jaurès, décrypte la victoire du Rassemblement National :
Si on s’en tient à ses taux, ce parti est stable, mais il ne faut pas oublier qu’il engrange 500.000 voix de plus. Il y a une dynamique indéniable en faveur du RN. Le clivage entre Français des villes et Français des champs se confirme et va se renforcer. Il suffit de voir l’évolution immobilière dans les grands centres urbains. Les catégories populaires vont être de plus en plus exclues des centres urbains et ça va continuer d’agir sur la structuration du vote. Avec peut-être un regain du vote RN dans les banlieues éloignées, et des populations qui vont de moins en moins se croiser.
Quelles nouveautés voyez-vous dans cette élection ?
On constate un renforcement du RN dans ses +terres de mission+, notamment dans l’Ouest. En Nouvelle Aquitaine, il devient le premier parti. Il y a également un renforcement dans les Pays-de-la-Loire, alors que l’Ouest catholique traditionnellement a toujours résisté au RN. C’est quelque chose d’assez inédit. On voit aussi revenir le vote RN dans certaines banlieues même si ce n’est pas un mouvement généralisé. L’interprétation était de dire que les +petits blancs+ soit avaient quitté les banlieues et avaient déménagé dans le périurbain lointain, soit s’étaient réfugiés dans l’abstention. Mais il y a une renaissance de ce vote. C’est trop tôt pour dire s’il y a eu un effet Jordan Bardella. Mais c’est quelqu’un de très jeune, issu d’un milieu populaire, de l’immigration en Seine-Saint Denis, à qui le RN a confié la tête de liste. Quel parti aujourd’hui peut en dire autant ? Aucun. Quand je vais sur le terrain et j’interroge des sympathisants et des électeurs RN, tous me disent +les candidats, ils nous ressemblent, ils sont comme nous+. Il y a une sorte d’identification au niveau de la culture véhiculée, du langage, des référenciels, qu’on ne voit pas dans les autres partis.
Le RN est-il le seul parti à représenter les catégories populaires ?
Très clairement, il n’y a que ce parti pour représenter les catégories populaires vu les scores des partis de gauche. A la présidentielle, il y a eu une comparaison intéressante des votes FN et LFI sur deux critères, le niveau de patrimoine et le niveau de diplômes. L’électorat FN et l’électorat LFI avaient un niveau de patrimoine quasi identique mais l’électorat LFI avait un niveau de diplôme nettement supérieur. C’est l’une des clés de l’électorat RN: moins vous êtes formés académiquement, plus vous avez des chances de voter pour ce parti.
Qui sont les électeurs LR qui ont voté RN ?
Le vote RN (ex FN), on l’oublie souvent, est un vote de droite, ce n’est pas du tout du gaucho-lepénisme. Les électeurs qui ont voté Mélenchon à la présidentielle étaient très peu à voter FN. Depuis les années 30, à peu près un tiers de l’électorat ouvrier vote pour la droite, et ce sont eux qui, de plus en plus, votent pour le RN. C’est un électorat populaire qui se reconnaît dans ces valeurs d’ordre, de sécurité, d’identité. Le RN est en train d’aspirer la droite conservatrice gaulliste. Pour des raisons historiques, la Seconde guerre mondiale, la guerre d’Algérie, l’alliance ne pouvait pas se faire. Mais avec le recul historique, le FN capte plus facilement cette part de gaullistes qui se reconnaissent dans une offre d’autorité, d’identité, de patriotisme, voire de souverainisme.
Les Gilets jaunes ont-ils voté pour le RN ?
Quand on regarde la structuration sociologique des gilets jaunes, elle ressemble fortement à l’électorat du RN. Donc je ne serais pas étonné que ce soit un mouvement qui ait d’abord profité au RN, même si c’est compliqué à mesurer. Mais les gilets jaunes représentent aussi un électorat qui s’abstient énormément, c’est-à-dire des catégories plus précaires que l’électorat populaire du RN, et qui sortent du vote.
philippe paternot
le RN est le seul qui les défend donc
lorsque les 6 millions de chomeurs décideront d’aller voter plutot que de subir