Gaultier Bès, 26 ans, est professeur agrégé de Lettres modernes et l’auteur de Nos Limites – Pour une écologie intégrale (Le Centurion, 2014). Il répond aux questions du R&N. Extraits :
"« Catho écolo » ? Je comprends l’expression, mais je récuse l’étiquette. Il faut s’entendre sur les mots. Je suis chrétien, catholique – ou du moins je m’efforce de l’être, par la grâce de Dieu – ce qui implique de chérir et de servir la Création toute entière. Nous n’en sommes ni les propriétaires ni les souverains, nous en sommes les gardiens. Mériterons-nous cette parole de bénédiction que le maître adresse au « serviteur bon et fidèle » dans la parabole des talents : « tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître » (Matthieu, 25) ? Au fond, je n’apprécie guère le mot « catho » qui me semble être une réduction culturelle, sociologique, et donc caricaturale, de ce que signifie, fondamentalement, professer la foi catholique. Il s’agit justement de s’affranchir de certains codes et réflexes, d’un certain vocabulaire (celui des « valeurs » notamment, qu’on finit par confondre avec la vérité de notre foi), pour devenir plus radicalement disciple du Christ. De même, le mot « écolo » est ambigu, charriant avec lui un ensemble de représentations que je ne fais pas toujours miennes. Le slogan « sauver la planète (ou le climat) », par exemple, formule emphatique qui participe d’une sorte de néo-pélagianisme selon lequel l’humanité pourrait obtenir par elle-même, par sa seule créativité technique, le salut du monde. Ou encore les idées de « croissance verte » ou de « consommation éco-responsable » qui me semblent ne pouvoir mener qu’à un amendement superficiel de nos modes de vie, là où il faudrait une révolution – une conversion si vous préférez. L’écologie ayant été définie à l’origine comme « sciences des conditions d’existence », il s’agit moins de notre point de vue de devenir « écologiste » que d’être plus intégralement, plus radicalement chrétien, en favorisant la vie sous toutes ses formes. Beaucoup d’entre nous font donc de l’écologie, comme Monsieur Jourdain de la prose, sans le savoir ! […]
[A] l’instar de « chrétiens sociaux », l’expression de « catho écolo » est pléonastique. Je ne pense pas qu’on puisse dire que les chrétiens auraient particulièrement négligé la Création. Il y a quand même une tradition judéo-chrétienne profonde, ininterrompue, qui commence avec les psaumes et dont Laudato Si est le dernier jalon, d’émerveillement et de veille face à la Création. Dans tous les combats pour le respect de la vie, on trouve en première ligne des chrétiens, de manière plus ou moins visible, certes. […]"