Interrogé sur Philitt, l'écrivain-voyageur Sylvain Tesson déclare :
"Vous entretenez une certaine défiance vis-à-vis du monde moderne (matérialiste, technocratique, bourgeois). Avec l’uniformisation du monde, il est de plus en plus difficile de fuir la modernité. Y a-t-il encore des lieux qui lui échappent ? Si oui, quels sont-ils ?
Il n’y en a qu’un. Ce sont les livres. L’uniformisation ne me fait vraiment de mal que dans un champ, celui qui est le plus atteint : le langage. La langue est une merveille. Peut-être ce que les hommes ont fait de mieux. Inventer des langages dans toutes les couches sociales, dans toutes les interstices d’une société, dans tous les métiers, dans toutes les confréries, dans toutes les bandes, dans tous les clans… La modernisation, avant même de transformer les paysages, les villes, les tenues vestimentaires et bientôt les visages, c’est d’abord à la langue qu’elle s’en prend. Car c’est la langue qui est la plus fragile. Je sens chaque jour la disparition des mots face à la novlangue des robots. Alors qu’il y a une telle richesse ! Récemment, j’ai découvert le mot « pleinairisme » qui renvoie aux peintres réalistes du XIXe comme Courbet et je m’aperçois que ce mot pourrait désigner ma vie. Il faut vénérer les citadelles du langage car il y a un « logocide » qui est à l’œuvre."