Lu dans Le Glaive de la colombe :
Bien sûr que la liberté de culte est très importante mais la vie est plus importante que tout et la vie c’est de lutter contre le Coronavirus (Gérald Darmanin, France Info, 13 novembre 2020)
Comme pour contredire immédiatement le Conseil d’Etat et rétablir chez les catholiques l’échelle authentique des priorités, la messe du 23e Dimanche après la Pentecôte (8 novembre) insistait sur les « grâces de contact » émanant de l’humanité du Christ [1] à laquelle nous communions aujourd’hui par les sacrements. Il y a quelques semaines, Notre-Seigneur manifestait sa puissance en guérissant le fils d’un officier de Capharnaüm sans même se déplacer [2]. Il reprochait même à ce père aux abois d’insister pour qu’Il l’accompagnât au chevet du mourant. Et voilà qu’à l’inverse, le Christ se rend chez Jaïre pour ramener à la vie la fille de celui-ci. De même se laisse-t-il toucher en chemin par l’hémoroïsse pour la guérir en récompense de sa foi ardente. Que doit-on y comprendre ? Que certes Dieu n’est pas lié par les sacrements et qu’Il communique sa grâce librement comme Il le veut, à qui Il le veut ; mais aussi que le moyen « ordinaire » qu’Il a institué pour cela et qu’Il a confié à l’Eglise, ce sont les sacrements, tous ordonnés au sommet d’entre eux, l’Eucharistie.
Là est une des spécificités essentielles du culte catholique (ou orthodoxe) découlant de sa dimension sacrificielle et interdisant son assimilation au protestantisme, au judaïsme rabbinique ou à l’islam, quoi qu’en pensent superficiellement Castaner et Darmanin [3]. Par la messe et la communion, les fidèles, à travers l’espace et le temps, participent à l’unique Sacrifice de la Victime parfaite et s’unissent intimement à Elle : le contact de l’hostie consacrée, véritable Corps du Christ, reçue dans de bonnes dispositions, les sanctifie corps et âme, jusqu’à ce que ce ne soit plus eux qui vivent mais le Christ qui vivent en eux [4].
Dès lors, quoi de plus compréhensible que des fidèles privés de ce Bien non seulement « essentiel » mais vital, sentent renaître en eux un esprit « réfractaire » qui n’a jamais cessé d’inquiéter la République ? Là encore, la messe du 8 novembre répondait très opportunément au désarroi du troupeau, dans son Epître
Quant à nous, notre vie est dans le ciel, d’où nous attendons comme sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps d’humiliation, en le rendant semblable à son corps glorieux, par le pouvoir qu’il a de s’assujettir toutes choses. C’est pourquoi, mes frères très aimés et très désirés, qui êtes ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, mes bien-aimés
et sa Communion [5]
En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous le recevrez et cela vous sera donné.
Le calendrier liturgique veut que cette année la messe du 23e dimanche après la Pentecôte soit reprise le dimanche suivant (15 novembre) dans l’Introït, le Graduel, l’Alleluia, l’Offertoire et la Communion, les oraisons (Collecte, Secrète, Postcommunion) et les lectures (Epitre et Evangile) étant empruntées au 6e dimanche après l’Epiphanie [6]. Ainsi l’exhortation à la prière confiante au lendemain de la décision du Conseil d’Etat était-elle confirmée alors que les fidèles revendiquaient courageusement leur droit imprescriptible à la messe, sans attendre heureusement le soutien de leurs pasteurs.
Ceux-ci se sont empressés de « prendre acte » de la résolution de l’Etat, trop heureux de montrer que les recours ne vaudraient jamais la « diplomatie ». En attendant que celle-ci obtienne quelques assouplissements déshonorants, les fidèles ont été priés de prendre leur mal en patience et surtout d’obéir aux autorités [7]. Ceux qui n’avaient pas complètement étouffé leur conscience ont tenté de se justifier [8] :
Nous nous battons pour vous mais nous ne pouvons pas entrer en guerre contre l’État. D’ailleurs ouvrez les yeux. Vous seriez peu nombreux à suivre et ce serait un échec.
C’était oublier que les saintes femmes n’ont pas attendu les apôtres pour suivre le Christ au Calvaire comme Celui-ci n’a attendu personne pour témoigner de la vérité jusqu’à la mort.
Les plus cyniques sont allés jusqu’à désavouer leurs propres ouailles [9] faisant porter sur la prétendue insubordination de celles-ci la responsabilité de leur échec face à l’Etat. Nouvelle illustration de cette Eglise mondaine minée par l’esprit managérial [10] au point de singer les puissants dans le mépris et la culpabilisation des humbles. Nul doute qu’ils figurent avec leurs semblables parmi « ceux qui marchent en ennemis de la Croix du Christ » que dénonce saint Paul dans la même épître du 23e Dimanche après la Pentecôte [11] :
Il y a en a beaucoup, dont je vous ai souvent parlé, et dont je vous parle encore maintenant avec larmes, qui marchent en ennemis de la croix du Christ. Leur fin sera la perdition ; ils ont pour dieu leur ventre, ils mettent leur gloire dans ce qui est leur honte, et leurs pensées sont pour la terre.
Il suffirait pourtant que les évêques, peut-être une poignée voire juste un seul, renoncent au confort des messes rediffusées pour revenir au contact du troupeau et le servir par les célébrations publiques qu’il réclame [12]. Alors nous verrions bien si le Ministre de l’Intérieur ose envoyer les forces de « l’ordre »… nous verbaliser ? Et après ? Nous arrêter ? Et après ? Il y aurait encore loin jusqu’à la fosse aux lions et à ce jeu-là, compte tenu de la colère qui gronde déjà, le gouvernement sombrerait avant Noël.
Quoi qu’il en soit, face aux tribulations présentes et à venir, les Postcommunions des deux derniers dimanches nous encouragent, toujours aussi opportunément, à puiser notre espérance et notre vie, n’en déplaise à M. Darmanin, aux sources du seul culte véritable [13] :
Nous vous supplions, ô Seigneur notre Dieu, de ne pas supporter que ceux auxquels vous accordez la joie de prendre part au divin banquet, succombent dans les périls qui menacent l’humanité.
Nourris de Celui qui fait les délices du ciel, nous vous en supplions, Seigneur, faites que nous ayons toujours faim de ce même aliment au moyen duquel nous vivons véritablement.