D’Alain Toulza pour Renaissance catholique :
M. Bayrou a fait savoir publiquement qu’il avait été « bouleversé » par ce qu’il découvrait dans l’affaire de l’école de Bétharram. Nous ne pouvons que le croire et le comprendre du seul fait que sa propre fille avait été, en son temps, victime de certains personnages de la communauté – dont des prêtres, – cela en le cachant à ses parents jusqu’à une date récente. Ceci dit, on ne peut que s’étonner de sa vive émotion, alors qu’en charge de l’Education nationale de fin mars 1993 à juin 1997, il a tout fait pour que ce département ministériel serve de base à une « éducation sexuelle » dès la classe de sixième, faisant publier dans le B.O.E.N. une circulaire du 15 avril 1996 intitulée « Prévention du Sida en milieu scolaire : éducation à la sexualité », texte révolutionnaire allant dans le sens d’un dévoiement des normes sexuelles jusqu’alors officiellement admises, et contrant l’autorité parentale pourtant reconnue par les textes officiels nationaux et internationaux.
Une circulaire destructrice de l’innocence juvénile et de l’amour constructeur
Le premier grief qu’on était en droit de faire à l’encontre de la circulaire Bayrou – et qui subsiste plus que jamais – est celui d’incitation de mineurs à la débauche, sous couvert de prévention du Sida et de prétendues « valeurs humanistes de tolérance et de liberté » :
– D’abord, en imposant, au niveau du collège, deux heures par semaine d’éducation à la sexualité dont le contenu invitait à « Comprendre qu’il puisse y avoir des comportements sexuels variés sans penser de ce fait qu’on les encourage parce qu’on les comprend… Adopter une attitude critique sur les stéréotypes en matière de sexualité visant notamment à dépasser les représentations exagérément idéalisées, irrationnelles et sexistes ». En clair, il convenait d’admettre comme normale l’homosexualité et de se sentir coupable si on n’avait pas un regard critique sur le stéréotype qu’est la relation traditionnelle homme-femme, qualifiée de « sexiste ».
– Ensuite, en confiant ce travail de sape de la jeunesse à des équipes composites d’intervenants (enseignants, surveillants, personnel de santé et associations « spécialisées »), la seule qualité requise étant de se porter « volontaires ». Le prétexte fallacieux d’aide à la prévention du Sida a favorisé ainsi l’intrusion, dans les établissements scolaires, d’associations ouvertement libertaires et le plus souvent vouées à la promotion de l’homosexualité. Le petit ouvrage intitulé L’éducation sexuelle à l’école ? – Le Livre blanc des droits et devoirs des parents (ed. F-X de Guibert) que j’ai publié en janvier 1997 sous le pseudonyme de Thomas Montfort fournit amplement les preuves de la nocivité de ces structures, dont l’Agence Française de Lutte contre le Sida (AFLS), au cœur du dispositif de leur financement et qui fut elle-même éditrice d’ouvrages provocateurs (Le livre de l’amour sans risque, Les aventures du latex et Les petits livres du plaisir, du sexe et de l’amour).
Citons, parmi les associations en cause
* Le CRIPS (Centre Régional d’Information et de Prévention du Sida), et son Manège enchanté, plateau supportant cinq verges en plastique, en état d’érection et destinées à l‘essai, par les élèves, de pose du préservatif. Le CRIPS était agréé par le ministère de M. Bayrou.
* Jamais sans mon chapeau, association agréée par l’académie de Tours et dont le responsable avoua à l’hebdomadaire Le Point du 18 juin 1994 : « Pour bien comprendre la pose du préservatif, je me sers d’un moulage de mon propre sexe…Je fais venir une fille et un garçon et on apprend la pose de la capote. »
* Aides, également subventionné par le MEN pour proposer un jeu de cartes mettant en scène, sous diverses formules d’accouplement, des corps humains affublés de masques d’animaux mythiques ou réels, l’objectif prétendu étant de dédramatiser l’acte sexuel et favoriser l’utilisation du préservatif en toutes circonstances.
* Le Conseil intercommunal de prévention de la délinquance (sic !) de Cherbourg, et sa B.D. Toxico, Sida and Co rendue célèbre par l’émission Comme un lundi du 2 octobre 1995. Modèle de pornographie, cette B.D. offrait d’une façon dite humoristique des scènes de copulation entre une mère et son fils, de consommation de drogue, d’homosexualité, de sadomasochisme et d’incitation à la masturbation masculine et féminine.
L’autorité de l‘enseignant, substitut abusif de la souveraineté parentale
Le second grief majeur fait à la circulaire Bayrou est d’avoir imposé une nouvelle conception de la neutralité de l’Etat, qui évinçait, sans l’avouer clairement, l’autorité prioritaire, fondamentale et multimillénaire, des parents sur leurs enfants, en termes d’éducation morale (dans son essence religieuse pour beaucoup), et la transférait totalement en des mains étrangères irresponsables. La circulaire du 15 avril 1996 feint d’admettre un partage des responsabilités : « Il va de soi que si la famille a un rôle de premier plan à jouer à cet égard, l’école a, dans le cadre de ses missions éducatives, un rôle spécifique, complémentaire et essentiel », mais elle précise, immédiatement après, que « Ce rôle pourrait ainsi se définir comme visant à donner aux jeunes l’occasion de se ressaisir et de s’approprier, dans un contexte plus large que celui de la famille, les données essentielles de leur développement sexuel et affectif ». Tout est dit : la famille (on évite le terme de « parents ») est en fait dépossédée de son « rôle de premier plan », le rôle « essentiel » portant sur « les données essentielles » de la sexualité, revenant à l’école. L’Etat seul devait offrir à l’élève les moyens de satisfaire en toute liberté et dans toutes les directions de son choix, sa soif naissante d’une sexualité rendue narcissique.
Désormais, l’autorité des parents est considérablement réduite et contrariée par une modification de l’article 371-1 du Code civil (loi du 19 février 2024) spécifiant que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Ce n’est pas le lieu, ici, d’ouvrir un débat sur le niveau de violence physique que peut constituer une tape sur les fesses dans certains cas, mais de poser la question des « violences psychologiques » : il se vérifie de plus en plus, aujourd’hui, que cette formulation est utilisée pour interdire aux parents d’exercer la moindre opposition à certaines orientations sexuelles de mineurs perturbés dans leur identité naturelle, orientations qu’on n’ose plus qualifier de déviantes depuis que la circulaire Bayrou les a autorisées et même encouragées, avec la bénédiction du Conseil d’Etat.
Loi du silence sur la pédophilie dans l’enseignement public
Un tel parti-pris ne pouvait avoir de justification que s’il s’appuyait sur un présupposé dominant, celui de l’enseignant au-dessus de tout soupçon en matière de mœurs. Ainsi que je l’ai exposé dans mon ouvrage précité
« il n’y a pas de motif particulier de défiance à l’égard du monde enseignant dans son ensemble, on y rencontre une immense majorité de personnes droites, consciencieuses et dévouées dans leur travail, mais il est difficilement compréhensible qu’il faille lui accorder un droit privilégié de regard sur l’éducation sexuelle des enfants des autres… Il est même nécessaire de faire remarquer que, dans certains cas, l’encadrement des jeunes est susceptible, au contraire, d’exacerber des tendances sexuelles dangereuses. »
L’Express du 2 février 1995 en a donné acte, citant quelques exemples (directeurs d’école, animateurs d’associations sportives, éducateurs spécialisés) et ajoutant « Tous ces pervers, qui font profession de s’occuper d’enfants… ont souvent la réputation d’être d’excellents pédagogues et bénéficient de la considération générale » ; ce que confirmera le 27 avril suivant dans Le Nouvel Observateur, Martine Bouillon, substitut du procureur du tribunal de Bobigny : « Tous les milieux où il y a des enfants attirent les pédophiles… Souvent le pédophile est le meilleur professeur, le meilleur entraîneur… ». Cependant, le ministère Bayrou n’a pas paru troublé par cette prolifération de scandales en milieu scolaire public. Il s’est simplement attaché à favoriser autant que possible la loi du silence en la matière, suscitant cette accusation grave d’une spécialiste de l’UNICEF, Claire Brisset, rapportée par L‘Express du 12 septembre 1996 : « Certaines institutions, sous-estimant la gravité des actes pédophiles, ont tendance à étouffer les scandales potentiels, réglant ces problèmes en interne par des mutations ou des sanctions discrètes. Au mépris de la loi. » Ce qu’une partie de la presse a quand même osé dénoncer : L’Express du 15 décembre 1994, Le Nouvel Observateur du 27 avril 1995.
Le Figaro du 9 octobre 1996, et que Libération du 28 juin 1995 a résumé ainsi, à propos de viols à répétition:
« L’enseignant venait d’être “déplacé” par l’Education nationale pour des faits similaires commis dans une autre académie. Muté, pas radié. »
Certes, les établissements privés, notamment catholiques, disposant d’un internat, n’ont pas tous échappé au risque d’abriter eux aussi des prédateurs laïcs, voire religieux, tant les déviants sexuels ont capacité à dissimuler leurs penchants irrépressibles dans la phase de recrutement à des charges éducatives, y compris dans les noviciats et séminaires où le discernement des esprits a souvent fait faute dans le passé. Mais l’Eglise a eu le courage d’engager un processus d’enquête et de réflexion, la célèbre commission Ciase, dotée d’une large indépendance, mais pas vraiment d’une compétence parfaite, les dérives de l’institution Bétharram n’ayant pas été identifiées dans son rapport.
Au fait, comment M. Bayrou explique-t-il que les gouvernements successifs auxquels il a apporté son soutien n’aient pas entrepris une enquête semblable à celle de la Ciase mais cette fois à destination des seuls établissements publics ? Y aurait-il deux poids-deux mesures dans notre pays ?
Alain TOULZA