Le 7 décembre, le pape François a accepté la démission du cardinal George Alencherry, archevêque majeur d’Ernakulam-Angamaly (de l’Église syro-malabare), et celle de Mgr Andrew Thazhath, l’administrateur apostolique qu’il avait nommé il y a deux ans pour l’archidiocèse « rebelle » d’Ernakulam-Angamaly.
En Inde, l’Église syro-malabare compte quatre archidiocèses et 22 diocèses, et près de 5 millions de fidèles à l’échelle mondiale, dont une grande partie en Inde, en particulier dans l’État du Kerala, dans le sud du pays. Selon la tradition, elle a été fondée par l’apôtre saint Thomas.
Alors qu’une grave crise liturgique dure depuis des décennies, le Saint-Siège a finalement accepté que le cardinal Alencherry renonce à diriger l’Église syro-malabare. Le cardinal a dû faire face à de vives protestations de la part d’une partie du clergé et des fidèles de son archidiocèse, qui ont refusé d’appliquer une réforme liturgique votée par le Synode des évêques de l’Église syro-malabare. Sur l’ensemble des diocèses de l’Église orientale, Ernakulam-Angamaly a été le seul à refuser la réforme.
Le Synode avait décidé d’associer l’ancienne coutume de l’Église orientale, dans laquelle le prêtre célébrait ad orientem (vers l’est), et celle répandue après Vatican II, dans laquelle il célèbre versum populum (vers le peuple). Ainsi, selon la réforme, le prêtre fait face au peuple au début et à la fin de la célébration, et vers l’est durant la liturgie eucharistique.
Mais une partie des prêtres et des fidèles d’Ernakulam-Angamaly ont insisté pour conserver l’orientation ad populum durant toute la célébration comme alternative. Malgré les émissaires et les courriers envoyés par le Saint-Siège à maintes reprises, des affrontements violents ont éclaté, des portraits de cardinaux ont été brûlés et en décembre 2022, face aux événements, la cathédrale a dû fermer ses portes.
Dans ce contexte, le 29 novembre, le pape François a adressé une lettre au cardinal Alencherry en le remerciant pour son « dévouement » et sa « générosité ». Il était à la tête de l’archidiocèse d’Ernakulam-Angamaly depuis 2011, et il a été créé cardinal en 2012. Il avait déjà déposé sa démission en 2019, mais l’assemblée des évêques syro-malabars avait estimé que ce n’était pas « le bon moment ». Aujourd’hui, Mgr Sebastian Vaniyapurackal, l’évêque curial (équivalent d’un évêque auxiliaire), est chargé d’administrer l’Église syro-malabare en attendant l’élection d’un nouvel archevêque majeur.
Le 7 décembre, le pape François a aussi envoyé un message vidéo aux fidèles syro-malabars, en leur parlant directement afin d’essayer d’éviter un schisme. Dans son message, le pape appelle les fidèles à ne pas devenir « une secte » en se séparant de leur Église.
« Au nom du Seigneur, pour le bien spirituel de votre Église, de notre Église, je vous demande de réparer cette rupture. C’est notre Église, c’est votre Église. Restaurez la communion, restez dans l’Église catholique ! »
Il s’adresse aussi aux prêtres en particulier, dont certains sont au cœur des protestations violentes :
« Ne vous séparez pas du chemin de votre Église, mais marchez avec le Synode [de l’Église syro-malabare], avec vos évêques, avec l’archevêque majeur. Acceptez de mettre en pratique ce que votre Synode a établi. »
Le débat autour de l’orientation du célébrant durant l’Eucharistie est devenu une véritable tempête, révélant une ligne de faille qui divise l’Église et expose des conflits profondément enracinés autour de questions de pouvoir. La question liturgique sert de symptôme pour des problématiques structurelles et des rapports de force sous-jacents, dont une diversité régionale entre les diocèses et des disparités théologiques au sein de la même Église sui iuris (un terme désignant les Églises orientales autonomes dans la communion catholique).