Question du député Valérie Boyer (UMP) sur les chrétiens d'Irak, aujourd'hui à l'assemblée :
"Monsieur le président, j’associe à ma question les membres du groupe d’études sur les chrétiens d’Orient.
Monsieur le Premier ministre, les persécutions des chrétiens d’Orient se poursuivent en Irak comme en Syrie et s’amplifient de façon alarmante. Il y a quelques semaines, les chrétiens présents depuis 2 000 ans à Mossoul, en particulier, se sont vu lancer un ultimatum par les nouveaux occupants djihadistes : se convertir à l’Islam, s’acquitter d’un impôt spécial pour les non-musulmans, fuir et tout abandonner, ou bien rester et être exécutés « par le glaive ». Depuis, la quasi-totalité des chrétiens a fui pour échapper aux persécutions.
Nous sommes choqués de voir apposée une lettre les désignant comme « nazaréens » qui marque d’un sceau ces populations, comme en d’autres temps des populations étaient marquées de l’étoile jaune.
[…] Se déroulent des scènes de saccage des églises, d’exode à pied où ils sont pillés, rançonnés, humiliés, qui nous rappellent l’horreur du génocide arménien. Cent ans après 1915, l’histoire bégaie : c’est dramatique ! Silence, on tue ! Aujourd’hui, les chrétiens d’Orient sont en danger de mort et nous sommes les témoins silencieux de ce massacre annoncé. Selon l’Évangile de Saint-Luc, « s’ils se taisent, les pierres crieront », mais il sera trop tard. Demain qui parlera l’araméen, qui parlera la langue du Christ ?
Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, a déjà affirmé que ces actions conduites contre les chrétiens pouvaient être considérées comme un crime contre l’humanité. Mais nous assistons à un véritable génocide.
Monsieur le Premier ministre, il y a trois semaines vous nous demandiez de ne pas douter un seul instant de la voix et de l’action de la France à ce sujet. À ce jour, le Président de la République est pourtant l’un des seuls chefs d’État à ne pas s’être exprimé sur les chrétiens d’Orient. Aussi, je vous en conjure, chaque minute compte. Que le silence de la France ne soit pas complice de ces crimes. Ne laissez pas la France faillir à son devoir historique et moral de protection des minorités chrétiennes d’Orient pour ne pas faire rougir l’histoire."
Réponse du ministre Laurent Fabius :
"Madame la députée, je pense que tout le monde ici partage l’émotion forte que vous avez traduite dans votre question.
En ce qui concerne la France, il faut dire les choses telles qu’elles sont. Vous qui suivez cette question, vous savez certainement que, lundi dernier, c’est à la demande de la France que le Conseil de sécurité des Nations unies s’est exprimé explicitement sur ce sujet. De la même façon, le Président de la République, moi-même et tel ou tel membre du Gouvernement ont rappelé, comme vous l’avez fait, à quel point la question des chrétiens d’Orient, en Irak mais aussi au-delà, devait nous mobiliser.
Outre la saisine du Conseil de sécurité ce lundi, nous avons, sur le plan pratique, dépêché des crédits pour permettre que toute une série de personnes déplacées soit aidée. Cela vaut pour l’Irak et d’autres régions du Proche et du Moyen-Orient. Ce matin même, en Conseil de défense, nous avons abordé ce sujet avec le Président de la République.
En ce moment même, les Irakiens sont en train de déterminer leurs institutions. Il est capital que nous puissions empêcher la partition irakienne, car si l’organisation terroriste EIIL prend le dessus, comme beaucoup d’indications nous le montrent, non seulement le phénomène que vous avez décrit se poursuivra mais il s’amplifiera.
J’appelle donc, à travers cette Assemblée, tous ceux qui peuvent faire pression pour faire en sorte que l’Irak ne soit pas démembré. La position de la France sera de soutenir toutes les minorités, en particulier les chrétiens d’Orient."