Professeur émérite de l’université Michel de Montaigne Bordeaux 3 et de l’institut catholique de Toulouse, Marie-Thérèse Urvoy a enseigné l’islamologie, l’histoire médiévale de l’islam, l’arabe classique et la philosophie arabe. Auteur ou co-auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur l’islam, elle vient de publier Islam et islamisme, Frères ennemis ou frères siamois ?
Les médias, les politiques et même des musulmans tentent de distinguer l’islam, cette religion RATP (Religion de l’Amour Paix et Tolérance) et islamisme, cette utilisation politique et violente de l’islam. L’islamisme constitue-t-il une rupture avec l’islam‚ comme cela est souvent défendu‚ ou n’est-ce que son prolongement mécanique ?
Avec la rigueur et l’objectivité scientifique d’une experte reconnue, Marie-Thérèse Urvoy entend lever les confusions et en finir avec les affirmations passionnelles. Elle montre combien, et de manière constante à travers l’histoire, cette question prend sa source dans le Coran, dans une tension permanente entre visée spirituelle et ambition d’emprise sur le monde. Tout l’enjeu est donc de comprendre si l’islam est en mesure de se réformer, de manière à concilier son ordre inhérent avec les idéaux de ce temps.
Par les moyens de l’islamologie et de l’histoire, cet ouvrage offre les éléments de compréhension globale de l’islam, de ses mouvements sociopolitiques, de ses schèmes mentaux (réformisme, « retour à la charî‘a », rôle de la violence) et des concepts médiatiques récents d’« islam spirituel » ou d’« islam des Lumières ».
L’auteur montre que, au préalable, il n’y a pas de magistère en islam :
Il n’existe pas en islam de magistère dans le sens du christianisme qui désigne le pouvoir d’enseignement nécessairement inhérent à l’Eglise en tant que communauté eschatologique définitive de ceux qui croient au Christ. Le christianisme est une “orthodoxie”, un système de croyances dont la négation est une “hérésie” ; l’islam est une “orthopraxie”, c’est-à-dire que c’est un certain nombre d’actes qui définissent le croyant, dont, en premier lieu, la profession de foi qui contient toute la dogmatique essentielle : une unicité de Dieu et prophétie de Muhammad.
[…]
Des mots comme laïcité, république, démocratie, modernité, assimilation, etc., n’ont pas de statut dans le corpus doctrinal du musulman et n’ont donc aucune résonance dans sa conscience religieuse, du plus modéré au plus violent.
[…]
L’Etat, laïque, n’a aucune vocation à organiser une religion. Islam de France ou Musulmans de France n’ont pas lieu d’exister. […] Dénoncer l’islam politique est un pur dénidu texte coranique et des traditions prophétiques. L’islam politique, c’est principalement l’islam des textes.