Directeur-délégué du Nouvel Observateur et essayiste, Jacques Julliard est aussi un disciple de Pascal, et surtout un grand admirateur de Péguy, Claudel et Bernanos. Il vient de publier L’argent, Dieu et le diable : Péguy, Bernanos et Claudel face au monde moderne. Il déclare à La Nef :
"Aujourd’hui, ce n’est pas l’Église qui menace la laïcité, c’est l’islam. La gauche demeure anticléricale d’apparence, par crainte de perdre son dernier marqueur. Ces deux traditions historiques se développent par ricochet : les chrétiens qui spontanément identifient l’Église à la droite induisent la gauche à prendre des positions anticléricales. Je pense que c’est une chose qui est en voie de disparition dans le domaine des idées, mais qui reste puissante dans le domaine des réflexes. C’est surtout le symptôme d’un grand désarroi idéologique."
Pour Joël Prieur :
"Le grand journaliste « de gauche » m’a toujours paru beaucoup plus à droite que ses contradicteurs sensés être de droite. […] Jacques Julliard, que je sois ou non d’accord avec lui, m’est toujours apparu en tout cas, lui homme de gauche proclamé, comme le plus libre dans le débat face aux poncifs de gauche qui gouvernent notre culture. […] Pourquoi ce choix convergent de trois catholiques ? […] Dans leur réflexion sur le monde moderne, sur la technique et sur l’argent, ces trois-là sont immunisés contre ces religions séculières qu’ont été les idéologies du XXème siècle, fascisme ou communisme. Pour eux, s’ils sont chrétiens, l’enfermement idéologique est impossible. Ils représentent donc, non pas malgré leur catholicisme mais à cause de lui, un horizon où la liberté intellectuelle semble toute naturelle. […]
Qui est Jacques Julliard finalement ? Un « socialiste moral », qui comme Charles Péguy naguère, veut libérer certains domaines de l’existence humaine du poids de l’argent et qui souhaite aujourd’hui en finir avec l’aliénation morale qu’entraîne la souveraineté universelle du Billet vert ? C’est ainsi, en tout cas, qu’il se présente, et il ajoute à destination de ces éléphants dont il nous a abondamment parlé dans un livre précédent : « le socialisme sera moral ou il ne sera pas ». Autant dire qu’au XXIème siècle, les chances de survie du pachyderme sont minces et que Julliard le sait ! […] Il me semble que c’est une véritable alternative antilibérale que propose Jacques Julliard, à travers ses trois auteurs cathos fétiches, Péguy, Bernanos et Claudel. Quelque chose comme une nouvelle écologie, la seule vraiment cohérente : une écologie spirituelle. A travers ce prisme néo-chrétien, l’idée de postmodernité prend un sens véritable, non pas celui d’une nième déconstruction, mais plutôt celui d’un équilibre à découvrir, loin des tsunamis de la mondialisation."
Monrose
C’est le moment de relire “Le libéralisme est un péché » de Don Sarda y Salvany 1884 trad fr 1887. (réédité en 2004 par le « Sel de la terre »), ainsi que les oeuvres de Juan Donoso Cortes, mort en 1853 à Paris. Dans les mois précédant sa mort, son pessimisme ne fait que s’accentuer. Il va jusqu’à écrire, dans une lettre du 12 novembre : « Je ne dirai rien sur ce qui est possible à présent ; je crois, en mon âme et conscience, que rien n’est possible. Le grand crime du libéralisme, c’est d’avoir tellement détruit le tempérament de la société qu’elle ne peut rien supporter, ni le bien, ni le mal. »