Le JDD publie le témoignage d'une jeune femme, fille d'ouvriers banlieusards de gauche. Le père adhérent à la CGT, la jeune fille a manifesté contre Juppé en 1995 et contre Le Pen en 2002.
"[…] Mais après avoir été déçue par la droite, j'ai été déçue par la gauche. Les éléphants du PS s'entredechiraient tout le temps pour avoir le pouvoir. En 2006, entre DSK, Fabius et Royal, aucun des trois me convenait. Lors de la présidentielle de 2007, je me suis demandée pour qui voter. J'étais perdue: les gros candidats ne s'interessaient pas aux plus nécessiteux. Et voter pour un des petits ne rimait à rien tant le système politique français ne leur donne aucune chance. A l'époque, j'étais jeune chômeuse, je decouvrais la précarité et les pâtes à 50 centimes le paquet. J'essayais toutefois d'être indépendante, de ne pas être un poids pour mes parents. Dans ce contexte, j'avais beau m'intéresser à la politique, elle ne s'intéressait pas à moi. Aussi, je n'ai pas été votée en 2007. C'était une sorte de non-vote sanction.
J'ai trouvé du boulot peu de temps après, puis je me suis mariée. J'ai enfin eu des perspectives d'avenir. Mais je n'ai jamais repris goût à la politique. J'avais toujours cette colère en moi contre un système qui passait à côté des gens. En 2012, quand Hollande est passé – je m'étais encore abstenue -, j'ai eu l'impression que plus rien n'allait en France. Pourquoi élire un Président qui, d'office, est impopulaire? Un Président n'est-il pas censé insuffler de l'espoir?
C'est alors qu'avec des sentiments mêlés, j'ai regardé un peu plus ce que faisait le FN. J'avais, j'ai encore l'impression de me trahir moi-même. Mais force est de constater que je suis d'accord avec nombre de leurs idées. Ils versent dans la caricature pour plein de choses, comme quand ils parlent de la jungle de Calais ou de la suppression de l'euro, mais sur l'emploi, sur l'identité de notre pays, ils n'ont pas tort. Ils ont raison même. Ils posent les bons constats et au moins ont le mérite de proposer autre chose. Ça ne marchera peut être pas, mais je me dis : "Pourquoi pas?" Ca a été un peu dur de me faire à l'idée de mettre un bulletin "Le Pen" dans l'urne. Si ça n'avait pas été la fille de son père, j'aurais peut être eu moins de mal. Mais aux dernières departementales, j'ai voté FN pour la première fois. Et là, j'ai de nouveau voté FN.
Je ne l'ai dit à personne. Je sais que mes parents ont voté à gauche et mon mari pour les centristes. Je ne sais pas si j'ai envie qu'ils me voient comme une facho, alors que je ne le suis vraiment pas. J'ai fait ce choix par bon sens. Ça n'enlève en rien au fait que je sois une fille d'ouvriers de gauche. J'ai ça en moi et je ne le renie pas. Peut être qu'un candidat de gauche saura me faire changer d'avis. Mais Hollande, Sarkozy et compagnie, ils sont essorés. Ils n'ont plus rien à dire aux gens."