Partager cet article

L'Eglise : L'Eglise en France

“Je crois profondément au dialogue et à la confrontation d’idées, et je déplore le cloisonnement intellectuel”

“Je crois profondément au dialogue et à la confrontation d’idées, et je déplore le cloisonnement intellectuel”

À l’occasion des 10 ans du Congrès Mission, Academia Christiana devait tenir un stand, mais une polémique née dans le journal Libération a poussé les organisateurs à congédier cette organisation catholique. Alors que le catholicisme connaît un léger renouveau avec une augmentation du nombre de baptêmes d’adultes et l’organisation croissante de pèlerinages, l’épisode témoigne de tensions persistantes dans l’Église. Alors, sommes-nous vraiment tous « Fratelli tutti » ? Pour Liberté politique, Olivier Frèrejacques a interrogé le président d’Academia Christiana, Victor Aubert :

Quand a été créée Academia Christiana et quel est le but de cette organisation ?

Nous sommes des enfants de « La Manif pour tous ». À l’époque étudiants, certains convertis, d’autres nés dans des familles chrétiennes, nous prenions conscience du fait que les catholiques, ayant déserté l’espace public, avaient perdu toute influence dans le débat public. Nous avons donc créé Academia Christiana en 2013 pour inviter notre génération et les suivantes à s’engager au service du bien commun, en assumant notre foi.

Vos détracteurs dénoncent une porosité avec ce qu’ils nomment la « nouvelle droite ». Qu’est-ce que cette « nouvelle droite » et que leur répondez-vous ?

La « Nouvelle Droite » est née dans les années 1970, c’est avant tout un mouvement intellectuel qui s’attache à défendre la civilisation européenne, à critiquer le capitalisme et l’influence américaine, mais qui considère le christianisme comme responsable du déclin de l’Occident, et propose donc un retour au paganisme. Il est vrai que nous avons toujours voulu être un lieu de rassemblement et de dialogue, et donc que nous avons, à plusieurs reprises, invité des figures intellectuelles de la Nouvelle Droite pour s’exprimer sur des sujets politiques, entourés aussi évidemment d’intervenants issus des sphères catholiques. Notre volonté n’était pas de subvertir la jeunesse chrétienne avec des idées païennes, mais d’engager un débat, plutôt que de s’ostraciser mutuellement. À titre personnel, je crois profondément au dialogue et à la confrontation d’idées, et je déplore le cloisonnement intellectuel, surtout à « droite ».

S’agit-il d’un conflit de génération ?

En effet, notre génération n’a pas vécu certains combats, mais surtout elle a été confrontée beaucoup plus tôt aux nouveaux enjeux qui touchent notre pays, à commencer par les tensions ethniques, culturelles et religieuses, mais aussi la précarisation, la faiblesse du marché du travail et la crise de la transmission. La figure des « déshérités », dépeints par François-Xavier Bellamy, illustre parfaitement la situation des jeunes générations. Nous n’avons rien reçu, ni à l’école, ni à l’Église, et l’islam représente une altérité qui nous renvoie à notre déracinement. Voilà pourquoi une partie de la jeunesse française d’aujourd’hui cherche dans le vide spirituel ambiant une religion de substitution qu’elle place dans l’amour de la France.

Vous êtes évincés du Congrès Mission : comment avez-vous pris cette décision ?

Suite à un article totalement diffamatoire paru dans Libération, le Congrès Mission a pris peur et nous a demandé de renoncer à tenir un stand pour éviter la polémique. Dans le fond, cette affaire ne nuit pas outre mesure à notre travail auprès de la jeunesse. Nous n’avons pas attendu d’aller au Congrès Mission pour toucher plusieurs milliers de jeunes à travers nos événements chaque année. Néanmoins, cette affaire est révélatrice d’un malaise dans l’Église. D’une part, on peut constater, encore une fois, que la sidération que provoque Libération chez la droite républicaine est la même dans les rangs des catholiques conservateurs. Si Libé grogne, ils sont terrorisés et ne veulent surtout pas être amalgamés à une prétendue extrême droite. Qu’avons-nous fait du fameux « n’ayez pas peur » ?

D’autre part, on peut déplorer aussi une sorte de néo-pharisaïsme, à l’œuvre dans l’Église : les convertis qui viennent de la France périphérique sont d’abord tombés amoureux de la France avant de tomber amoureux du christianisme, puis du Christ. Mais ce sont des infréquentables, ils votent RN, ce sont des beaufs qu’on caricature facilement comme des débiles haineux et racistes. Et s’ils se convertissent, ils resteront toujours suspects aux yeux de ceux qui ont acquis une position de notables respectables dans l’Église. On mettra en doute leur sincérité et on leur reprochera d’instrumentaliser la foi à des fins politiques et d’alimenter « l’extrême droite ». Tout cela, malheureusement, renforce les fractures au sein de l’Église de France et entretient le dialogue de sourds.

Que diriez-vous à vos détracteurs au sein de l’Église ?

Nous parlons à une jeunesse que l’Église de France ne parvient pas à toucher, c’est-à-dire ces fameux « déshérités ». Academia Christiana n’est ni un mouvement, ni un parti politique, mais d’abord un institut de formation. Notre rôle est donc à la fois d’aiguiller la jeunesse catholique vers des engagements dans la vie publique, mais aussi de parler à cette jeunesse qualifiée par Libération d’« identitaire », afin de répondre à ses questionnements spirituels. Évidemment, cela implique de mettre les mains dans le cambouis, d’oser parler avec ceux que les médias parisiens, politiquement corrects, désignent comme des infréquentables. Mais venez et voyez, osez sortir de l’entre-soi, vous serez surpris de constater que cette jeunesse a réellement soif de Dieu et qu’elle est souvent très éloignée des caricatures que l’on fait d’elle. Osez nous rencontrer et dialoguer avec nous, nous sommes aussi prêts à écouter vos conseils.

Quels sont les projets d’AC pour les mois et les années à venir ?

Nous vivons une phase de développement qui a parfois tendance à nous dépasser, puisque nous avons créé l’an dernier le label « Communitas Christiana » qui permet de créer, dans sa région, un petit cercle local autour des 5 piliers de l’éducation intégrale que nous promouvons : les mains (redécouverte des savoir-faire manuels), le corps (sport et hygiène de vie), la tête (formation philosophique, historique et littéraire), le cœur (sens du service) et l’âme (pèlerinages et vie spirituelle). Nous recevons des demandes de partout : Toulouse, Lyon, Paris, Versailles, Bordeaux, Vannes, Tarbes, Clermont-Ferrand, Brive-la-Gaillarde… et nous espérons pouvoir recruter une équipe de permanents pour accompagner ce développement. Nous organisons aussi, au cours de l’année, un « Congrès du Bien Commun » à Paris qui aura pour thème en 2026 : « Le monde qui vient : enjeux, périls et motifs d’espérance », ainsi que deux universités d’été en Provence et en Anjou auxquelles vos lecteurs sont les bienvenus.

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services