D’Aymeric Pourbaix dans France catholique :
« Qu’avez-vous à regarder le Ciel ? » Voilà une interrogation paradoxale, celle de l’ange après l’Ascension de Jésus : qu’a fait d’autre le Christ pendant les 33 ans de sa vie terrestre, sinon exhorter ses contemporains, et nous-mêmes à leur suite, à élever le regard vers la Patrie céleste, vers le Père éternel ?
Bien sûr, les vénérables commentateurs diront qu’en attendant le retour du Christ en gloire, il s’agit d’une invitation à regarder le réel tel qu’il est, à ne pas vivre dans l’illusion. Et de fait, l’exigence de vérité n’a jamais été aussi grande qu’aujourd’hui, à l’heure où les moyens de communication sont démultipliés, au point de nous détacher de la vérité des relations, des personnes et des idées. « La vérité, disait saint Thomas d’Aquin, est l’adéquation de l’intelligence à la réalité. » Nous en sommes loin, quand les discours politiques et médiatiques font de la victime un bourreau, de l’agresseur un agressé… Au point que désormais, un effort soit requis pour « voir ce que l’on voit », comme le soulignait Charles Péguy.
Mais cette ascèse nécessaire pour ne pas vivre dans des idées abstraites, sans ancrage dans la réalité, ne doit pas non plus nous engluer dans un matérialisme sans issue, sans cette élévation vers les hauteurs où l’âme peut espérer étancher sa soif du beau, du bon et du vrai.
Soif des jeunes générations
À la suite de Péguy, ils seront ainsi près de 18 000 à s’élancer vers la cathédrale de Chartres, le week-end de Pentecôte, répondant à un appel pressant, celui du thème de ce pèlerinage : « Je veux voir Dieu ! » Et il n’est pas anodin que dans cette longue cohorte, la moyenne d’âge dépasse à peine 20 ans. Car ce qui les attire avant tout – et que nous approfondirons dans notre édition de la semaine prochaine –, c’est justement cette quête de vérité, mais de la vérité tout entière, qui ne se réduit pas aux choses visibles. Celle qui réside dans Celui qui a dit : « Je suis la voie, la vérité et la vie. »
« Je veux voir Dieu », c’est d’abord le cri de sainte Thérèse d’Avila enfant, qui explique à ses parents qu’elle veut partir convertir les Maures, quitte à mourir martyre : « Je voudrais mourir, écrit-elle, pour jouir des grands biens du Ciel. » Mais ce désir de voir Dieu est aussi chez elle celui de l’union mystique, du mariage spirituel de son âme avec Dieu, dès cette terre ! Ce cri de « Je veux voir Dieu », c’est donc bien l’expression d’une soif inextinguible présente en chacun, qu’on en soit conscient ou non.
La bonne nouvelle est que cette soif ressurgit au grand jour parmi les jeunes générations, après des décennies où elle a été travestie sous les atours trompeurs de la sexualité débridée, de l’argent fou et de l’ivresse d’une liberté sans limites.
Mais il ne suffit pas de « dénuder la soif », comme y exhortait Gustave Thibon. Encore faut-il l’orienter vers la seule issue véritable, qui se situe après la mort : cette « joie sans fin d’une âme irradiée de lumière et d’amour » dont parlait le Père Gaston Courtois à la fin de sa vie. Là où « il n’y aura plus ni pleurs, ni souffrance, ni ignorance, ni malentendu, ni jalousie, ni mépris, ni mesquinerie, mais action de grâces filiale à l’égard de la Sainte Trinité ». Et ce grand éducateur ajoutait : c’est cette pensée du Ciel, après la mort, qui constitue « la meilleure pierre de touche du réel ».