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Jérôme Lejeune, modèle d’engagement chrétien

Jérôme Lejeune, modèle d’engagement chrétien

Article de Véronique Bourgninaud (auteur de Contre la détestation de l’homme par l’homme, paru chez Artège) paru dans France catholique:

« Un grand chrétien du XXe siècle, un homme pour qui la défense de la vie est devenue un apostolat » : voilà lesmots par lesquels le pape Jean-Paul II qualifia le professeur Jérôme Lejeune au lendemain de sa mort, le 3 avril1994. 30 ans plus tard, il est bon de contempler à nouveau le destin hors-norme de ce savant et médecin quideviendra une figure exemplaire de l’engagement chrétien et d’une nouvelle forme de martyr contemporain :le martyr professionnel au nom de la défense de la Vie.

Quand Jérôme Lejeune prononce le discours de San Francisco en 1969 pour dénoncer publiquement les nouvellespratiques eugéniques de la médecine, il est un scientifique de renommée internationale, reconnu comme le généticienle plus prometteur de sa génération, couvert de reconnaissances. Il siège dans les plus grandes instances scientifiques internationales. Les patients viennent du monde entier dans sa consultation de l’hôpital Necker. Il faut donc mesurerl’ampleur de l’héroïcité de cette prise de parole publique. Jérôme Lejeune est au faîte de sa carrière. Il a tout à perdre enprononçant son fameux

« tuer ou ne pas tuer, telle est la question » au Sheraton Palace, devant une salle archicomble, alors

qu’il va recevoir le plus grand prix de génétique au monde, le William Allen Memorial Award.

Pour comprendre ce qui a poussé Jérôme Lejeune à s’engager dans le combat pour la vie au point de tout perdre, il faut saisir l’extraordinaire unité qui le caractérise. Jérôme Lejeune ne s’est pas inventé héraut de la Vérité. Sa vieprivée et sa vie professionnelle manifestent un ancrage spirituel très profond et une volonté orientée vers le bien.

« La Foi nous dit de respecter l’image de Dieu, l’Espérance nous aide à la protéger, la Charité Juge tout »Jérôme Lejeune.

Dans sa pratique médicale, Jérôme Lejeune est mû par la charité. La médecine qu’il pratique avec cœur et raison est hippocratique dans les valeurs qui la guident. Il place au cœur de ses préoccupations la personne du malade et sonrapport avec le médecin. Cette tradition hippocratique au meilleur d’elle- même l’anime dans l’attitude d’accueil, de familiarité et d’empathie qu’il a vis-à-vis des patients trisomiques et de leur famille. Soigner est une œuvre matériellede Miséricorde chez Jérôme Lejeune : sa consultation à l’hôpital Necker et la disponibilité dont il fera toujours preuve à l’égard des futures mères, des patients et de leur famille en sont l’illustration évidente.

Comme chercheur, Jérôme Lejeune est mû par l’intelligence de la Foi qu’il a reçue au baptême et qui s’épanouit sans rupture dans la pratique professionnelle : il sait que pour progresser dans la découverte scientifique, il faut acceptercette réalité d’un monde créé par Dieu où le hasard n’a pas sa place1. Il adhère de tout son être aux vérités qu’il ne voit pas et au service desquelles il mettra son intelligence exceptionnelle. Son œuvre scientifique est irriguée par la contemplation du Verbe, sans concordisme cependant : il ne s’autorise jamais ce raccourci intellectuel qui consiste à interpréter les Ecritures pour les faire correspondre aux théories scientifiques. Sa démarche scientifique l’est strictement : il observe, comme chercheur, ce qu’il croit, comme chrétien : deux regards parallèles, complémentaires, l’un contemplatif, l’autre scientifique, dont il déduit avec des termes de raison simple et pure que deux vérités nepeuvent se contredire. Il offre un témoignage inégalé de l’harmonie entre la Foi et la science.

Cette unité de l’intelligence et du cœur lui donnera une grande liberté : Jérôme Lejeune adhère tant aux vérités de la Foi qu’il ne peut les renier sans se renier lui-même. Quand les circonstances l’exigeront, il s’en souviendra : dans la défense de la vie, il est mû par l’espérance, la conviction que Dieu pourvoira en grâces dans le chemin de la persécution. Sa vie illustre de façon évidente que la grâce perfectionne la nature : à l’heure de l’humiliation, Jérôme Lejeune conserve une douceur surnaturelle à l’égard de ses détracteurs. Il fait preuve de longanimité : il n’y pas d’écart de charité dans sa clémence envers les personnes handicapées et dans sa mansuétude à l’égard de ses ennemis. Il vit en acte ce qu’il annonce avec force : la valeur intrinsèque de l’êtrehumain et sa volonté de l’aimer. Il expérimente de manière implicite ce « principe de contemplation » auquel il adhère en biologie, nécessaire pour saisir toute la qualité humaine de l’homme.

Cette vision de la primauté de la personne humaine le guidera dans ses choix tout au long de sa vie, l’amenant à aller à contre-courant autant de l’ambition professionnelle (il aurait pu, comme d’autres, laisser tomber « les petits mongoliens » pour répondre aux nombreuses propositions prestigieuses qu’il recevra après la découverte), que de la pensée commune de son temps.

Le Congrès de San Francisco de 1969 est un tremblement de terre. Le discours de Jérôme Lejeune brise sa carrière mais lui ouvre un autre horizon, plus large et incertain : celui de la défense de la vie humaine. Désormais, annoncer la beauté de la vie humaine sera pour Jérôme Lejeune une œuvre de miséricorde spirituelle : conseiller, instruire, exhorter, défendre, endurer les injustices avec patience. Il est mû par le devoir d’éclairer les intelligences et d’annoncer la vérité qu’il considère comme « le seul devoir qui incombe » à chaque citoyen, bien convaincu qu’une part du combat pour la vie nous échappe et qu’on est toujours chargé de dire, et non de convaincre.

Jérôme Lejeune nous montre avec éclat la vraie réponse aux manifestes en faveur de la culture de mort : la primauté donnée au devoir essentiel de charité qui concerne tout homme. C’est en fait la réponse chrétienne par excellence, contre laquelle les objections s’arrêtent, à moins qu’on veuille tourner en dérision l’amour, la patience, le don de soi deceux qui se dédient au service des vivants. La vie du professeur Lejeune nous laisse à ce titre un témoignage éclatantde la fécondité d’une nouvelle forme de martyr : celui qui engage – parfois professionnellement – au nom de la défense de la vie.

1 Aude Dugast, Jérôme Lejeune, portrait spirituel au fil des vertus, Salavator, Paris, 2021, p. 73.

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