État des lieux avec l’abbé Sauvonnet sur Claves :
Commençons par rappeler quelques données archéologiques certaines, tirées des écrits des Pères. D’abord, il est vrai que la date de la fête de Noël a pu, dans les premiers siècles, varier selon les régions. Ensuite, deux documents romains datés respectivement de 336 et de 354, permettent de conclure
« que réellement, en 336, on célébrait à Rome la naissance du Sauveur le 25 décembre[2] ».
Dans une homélie prêchée vers 386, saint Jean Chrysostome dit que l’usage de fêter la naissance du Christ le 25 décembre n’est vieux que d’une dizaine d’années à Antioche. Mais il affirme aussi que
« (…) ce sont les fidèles de Rome qui nous ont transmis la connaissance de ce jour ; et ils n’ont pas cessé de le célébrer jusqu’à l’époque la plus reculée[3] ».
Saint Jérôme affirme quant à lui que la connaissance de la date du 25 décembre remonte aux Apôtres eux-mêmes[4].
Le 25 décembre : christianisation d’une fête de Mithra ?
Mais puisqu’on ne sait pas comment l’Église romaine en est arrivée à fixer la date du 25 décembre, plusieurs explications ont été données, par exemple la volonté de christianiser une fête païenne, celle du « Soleil invaincu », liée au culte de Mithra[5].
« Qu’il y ait eu une volonté de christianiser une fête païenne, cela semble vraisemblable. (…) Ce qui nous semble moins établi (…) est le rapport de cause à effet entre la volonté de christianiser une fête païenne et la date de Noël. N’est-ce pas plutôt parce que la fête du Soleil invaincu tombait le même jour que la Nativité que les papes du 4e siècle ont décidé de christianiser cette fête[6] (…) ? ».
La preuve qui change tout : le calendrier essénien
La découverte de manuscrits anciens à Qumrân, près de la Mer morte, a mis au jour un document appelé le Livre des Jubilés, remontant au 2e siècle avant le Christ, et utilisé par les Esséniens jusqu’au 1er siècle de notre ère. Ce document était un calendrier des services du Temple de Jérusalem, spécifiant, pour chaque semaine de l’année, quelle classe de prêtres devait officier dans le Temple[7]. C’est ainsi que l’on sait que la classe de Zacharie, le père de Jean-Baptiste, exerçait son service dans la semaine du 24 au 30 du mois de septembre. Donc Jean-Baptiste aurait été conçu dans ces jours-là (la liturgie byzantine fête sa conception le 23 septembre). Or l’Annonciation, d’après Lc 1, 26, a eu lieu six mois après (en mars) ; et Notre Seigneur est né neuf mois après sa conception, donc vers le 25 décembre.
Une tradition conforme à l’enseignement des Pères
Déjà chez des Pères, on évoquait un document hébraïque permettant de faire ce calcul[8]. Au 3e siècle, Victorin déclare avoir trouvé dans les œuvres d’Alexandre, évêque de Jérusalem mort en 251, que le Christ est né le 25 décembre. Donc la tradition autour de cette date est plus ancienne que le pensent certains critiques. On peut supposer qu’il existait
« à Rome un document, semblable à celui de Qumrân, qui a servi à la papauté pour accréditer la date du 25 décembre[9] ».
Quant à l’objection selon laquelle les bergers mentionnés dans l’Évangile n’auraient pas pu se trouver en extérieur en plein hiver, cela s’explique que parmi les différents types de troupeaux, celui des brebis à laine noire était considéré comme impur, et ne pouvait rester ni dans les villes ni dans les bergeries[10].
On peut donc conclure :
« il est faux d’affirmer que la date choisie par Rome pour fêter la Nativité n’a aucun fondement historique[11] ».