Le mensuel La Nef consacre dans son numéro d’avril un dossier au syndicalisme chrétien. Joseph Thouvenel, vice-président de la CFTC, écrit sur la CFTC :
[…] Quel salarié d’une petite entreprise, convoqué à un entretien en vue d’un éventuel licenciement, sait que s’il peut se faire accompagner par un conseiller, c’est grâce à Alain Deleu, ancien Président de la CFTC? Qui connaît le statut du travailleur élaboré par la centrale chrétienne qui préconise d’attacher les droits à la personne plutôt qu’à l’entre- prise, afin de sécuriser les parcours de vie des salariés ? Pourtant celui qui, aujourd’hui, conserve ses droits à la formation alors qu’il a quitté sa société bénéficie d’une mesure imaginée et portée par la CFTC. Quel pèlerin de la Pentecôte sur les routes de Chartes a conscience que si le lundi de Pentecôte est redevenu férié, c’est grâce au combat de la CFTC-Paris et d’une poignée de convaincus qui ont réussi à faire réinscrire par le législateur la Pentecôte comme jour férié dans le Code du travail, démontrant ainsi qu’une fois voté un texte à portée sociale et sociétale n’est pas gravé dans le marbre pour l’éternité ? Aujourd’hui, face aux dérives de la mondialisation, la CFTC prône la traçabilité sociale afin que le consommateur soit informé sur le respect ou non des normes fondamentales du droit du travail lorsqu’il acquiert un bien. N’avons-nous pas tous le droit de savoir si notre achat n’a pas été fabriqué par des enfants ou des travailleurs forcés et d’en tirer des conséquences en favori- sant le mieux disant social? Imaginez l’effet d’une campagne en décembre concernant les jouets sur le thème: le bonheur de mes enfants ne doit pas faire le malheur d’autres enfants. Non au travail des enfants !
Dans le champ social, la CFTC, c’est un peu comme les chrétiens dans la cité. Pas les plus voyants, pas les plus bruyants mais indispensables. […]
Cette vie à défendre s’entend bien entendu par le soutien au premier des corps intermédiaires, la famille. Raison pour laquelle la CFTC préside la CNAF (Caisse Nationale d’Allocations Fami- liales). « Les familles constituent un repère essentiel de notre société. Elles en sont les cellules de base. La cellule familiale est l’école fondamentale de l’apprentissage des relations humaines dans tous les domaines, y compris celui de la gratuité et de l’amour, qui sont la meilleure réponse à la montée du matérialisme et des égoïsmes. L’action de la CFTC vise à permettre aux parents d’accueillir la vie et d’assumer leurs responsabilités ». […]
La CFTC est classée par les « experts » dans le camp des réformistes. Si, bien entendu, elle n’est pas du parti révolutionnaire, elle préfère le qualificatif « constructif » à « réformiste ». La réforme pour la réforme, cela ne veut rien dire, d’autant plus que les ultra-libéraux appellent sans cesse à la réforme dans le but d’une remise en cause sévère et durable du progrès social. Construire, du latin construere, c’est élever. Le choix d’une action constructive, c’est le choix d’une action qui élève. L’ambition n’est pas celle d’évoluer pour évoluer, ce qui finit inexorablement par vous faire coller aux phénomènes de mode, mais de bâtir, de participer à l’élévation de l’ensemble de la société par l’action sur le travail, le service aux personnes, l’innovation sociale, la négociation, le respect de la justice.
Malheureusement, au cours des ans et plus particulièrement ces dernières années, la spécificité sociale chrétienne de la CFTC s’est affadie, dans certains cas elle semble même avoir disparu. Dans une société où le marquage chrétien est peu à peu effacé, certains considèrent que cela est normal, voire inéluctable. Dans ce cas, que les choses soient claires: la CFTC, si elle n’apporte pas son inspiration chrétienne, n’a aucune raison de perdurer dans le paysage social français. Si c’est pour être une organisation comme les autres, autant plier les gaules et se faire absorber par une centrale plus importante. Cela déplaira peut-être à quelques caciques syndicaux, attachés à leur poste et à leurs mandats, voire à leurs heures de délégations pour ne représenter qu’eux-mêmes, mais cela simplifiera le paysage syndical français. Une organisation n’a d’utilité que si elle apporte un plus, dans le cas présent, un supplément d’âme.
borphi
C’est aussi tout le problème des médias et syndicats qui depuis la libération vivent des subsides de l’état.
Ceux-ci perdent de leur essence et de leur pertinence jusqu’à se dévoyer dans un “libéralisme d’Etat”.