La biographie de Robert Baden-Powell par Philippe Maxence vient d’être éditée en format de poche. A cette occasion, Anne Le Pape a interrogé Philippe Maxence dans Présent :
"Quels mots-clés choisiriez-vous pour définir l’attitude de Baden-Powell vis-à-vis des jeunes ?
Confiance ! Baden-Powell fait le pari qu’en faisant concrètement confiance aux jeunes, en s’appuyant sur leur sens de l’honneur, autre mot-clef de la méthode scoute, on peut leur confier de vraies responsabilités qui les formeront à être des adultes pouvant servir leur pays. Quand vous avez 14 ans et que vous avez la responsabilité de cinq ou six autres garçons, chacun ayant lui-même une responsabilité dans la vie de la patrouille, vous apprenez petit à petit à sortir de l’enfance pour tenir votre rôle dans la société. […]
« Jouer le jeu » (cf. p. 267) peut prendre divers sens mais, sous la plume de Baden-Powell, ne les accepte-t-il pas tous ?
Dans ce sens, « jouer le jeu » est une expression tout à fait britannique qui renvoie à l’idée de faire son devoir, non par obligation tombant de haut par le biais d’une hiérarchie, mais parce qu’on est un « gentleman », conscient du rôle que l’on a à tenir. C’est l’appel à une discipline intérieure. On tient son rang, sa place, son rôle. Bref, on joue le jeu.
Vous balayez l’accusation de franc-maçonnerie portée contre Baden-Powell. En quoi y a-t-il prêté le flanc ? Simplement en adaptant Le Livre de la jungle pour la formation des louveteaux ?
Non, je ne crois pas balayer cette accusation qui est un vieux serpent de mer. Je sais d’expérience qu’il est impossible de convaincre sur un tel sujet ceux qui ne souhaitent pas être convaincus. Si vous me permettez une comparaison un peu osée, je suis sur ce sujet comme sainte Bernadette : je suis là pour le dire, pas pour le faire croire. Les recherches que j’ai menées sur le sujet m’ont conduit à conclure que Robert Baden-Powell n’était pas franc-maçon, au contraire de son jeune frère, Baden Baden-Powell ou de son meilleur ami, McLaren. En revanche, il n’avait rien contre la franc-maçonnerie.
En quoi « notre scoutisme », le scoutisme français catholique, se démarque-t-il du mouvement initial de Baden-Powell ?
Le scoutisme français catholique traditionnel, celui du Père Sevin ou du chanoine Cornette, ne se démarque pas tant du scoutisme de Baden-Powell qu’il s’appuie dessus pour aller beaucoup plus loin et, surtout, plus haut. Il faut se souvenir ici de la forte image militaire qu’employait Charles Péguy : « Le spirituel est constamment couché dans le lit de camp du temporel. » Pour aller vite, Baden-Powell a donné les bases naturelles du scoutisme que sa version catholique a non seulement rehaussé dans toutes ses potentialités spirituelles, mais a profondément unifié jusque dans ses dimensions naturelles. […]"