Synthèse de Grégor Puppinck, Docteur en droit, directeur du European Centre for Law and Justice, suite au recours de maires devant le Conseil d'Etat, lequel a renvoyé au Conseil constitutionnel :
"Le Conseil constitutionnel n’aura cependant pas le dernier mot,
non seulement parce que le recours sera tranché par le Conseil d’Etat,
mais plus encore parce que la procédure pourrait être portée devant la
Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ainsi, un éventuel refus
par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat de garantir la
liberté de conscience des officiers d’état-civil pourra être porté à la
Cour de Strasbourg.La CEDH a déjà eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur des cas d’objection de conscience. Il en ressort que les
maires objecteurs peuvent se prévaloir de la protection offerte par
l’article 9 de la Convention garantissant la liberté de conscience.
Selon le courant dominant de sa jurisprudence, cette protection oblige
l’Etat à instituer un mécanisme permettant de concilier les droits et
intérêts concurrents en cause, et non pas seulement à justifier la
prévalence des droits des uns. La sensibilité politique de la matière
pourrait cependant inciter la Cour à accorder aux autorités nationales
une large marge d’appréciation.Dans l’affaire Eweida et autres c/
Royaume-Uni (CEDH, 15 janv. 2013, 48420/1010), la Cour de Strasbourg a
jugé que le refus de célébrer l’union civile de couples de personnes de
même sexe constitue la manifestation de convictions et bénéficie de la
protection accordée par la Convention à la liberté de conscience et de
religion (§ 103). La conviction de la requérante étant couverte par
l’article 9, il en résulte que « l’État a l’obligation positive, au
titre de l’article 9, d’assurer le respect de ce droit » (§ 108). […]C’est dans d’autres affaires relatives à
l’objection de conscience au service militaire (Bayatyan c/ Arménie 7
juill. 2001, 23459/03) et à l’avortement que la Cour a décrit le contenu
des obligations positives de l’Etat. Dans cet arrêt Bayatyan, la Cour a estimé que le respect de la
liberté de religion et de conscience des objecteurs implique
l’obligation positive pour l’État d’organiser le système, de sorte que
celui-ci puisse tenir compte des droits des objecteurs. […] De même, en matière d’avortement, la Cour a jugé « que les États sont
tenus d’organiser leur système de santé de manière à garantir que
l’exercice effectif de la liberté de conscience des professionnels de la
santé dans le contexte de leurs fonctions n’empêche pas les patients
d’accéder aux services auxquels ils ont droit en vertu de la législation
applicable » (CEDH, 26 mai 2011, aff. 27617/08, R. R. c/ Pologne, §
206 ; CEDH, 30 oct. 2012, aff. 57375/08, P. et S. c/ Pologne, § 106). La
Cour a ainsi refusé de faire prévaloir le droit de la mère sur celui du
médecin, ou inversement, mais a imposé à l’État la responsabilité de
créer un mécanisme conciliant ces droits concurrents. […]S’agissant des maires objecteurs, si le
Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat refusent de garantir
effectivement leur liberté de conscience, il sera difficile au
Gouvernement français de soutenir devant la Cour de Strasbourg qu’il a
été conciliant. Comme le note M. Tukov, la loi Taubira et la circulaire
ont au contraire « resserré l’étau » sur la conscience des maires en
refusant tout mécanisme permettant de concilier leur liberté avec les
droits des personnes désirant se marier. Si l’affaire est portée à
Strasbourg, le gouvernement aura la difficile tache de prouver qu’il lui
était raisonnablement impossible d’instituer un tel mécanisme… alors
même que le préfet peut « procéder d’office par lui-même ou par un
délégué spécial » aux actes prescrits par la loi au maire en tant
qu’agent de l’État, ce qui est le cas de la célébration des mariages
(Art. L. 2122-34 du Code général des collectivités territoriales). […]Finalement, il ressort de la
jurisprudence de Strasbourg qu’un recours des maires objecteurs à la
CEDH aurait des chances réelles d’obtenir gain de cause.
Cependant, il faut garder à l’esprit que la Cour de Strasbourg -comme le
Conseil constitutionnel- n’est pas plus une juridiction ordinaire. Ses
jugements, qui sont toujours d’espèce, dépendent largement de facteurs
politiques et de l’aléa de la composition de la chambre amenée à
statuer, lorsqu’ils portent sur des matières idéologiques hautement
controversées."
Gabrielle
Et la liberté de conscience des préfets ??
senex
très intéressantes avancées;il faut enfoncer le clou aux municipales, car cette question risque de voir disparaitre les candidatures de gens compétents devant les problèmes de ces mariages mascarades.Rappelons que pour la même raison demain aucun chrétien ne pourra exercer en paix une profession de santé .Maires, santé même combat