Cécile Edel, présidente de Choisir la Vie, association co-organisatrice de la Marche pour la Vie, répond aux questions du Rouge & le Noir. Extraits :
"La gauche a pris différentes mesures prises tout au long de ce quinquennat pour étendre l’avortement. Pensez-vous qu’un gouvernement de droite reviendrait sur ces mesures (et particulièrement sur l’extension du délit d’entrave) s’il était élu en 2017 ?
Nous ne devons rien attendre …mais tout espérer !
Au vue de l’Histoire, je ne pense malheureusement pas qu’il nous faille être trop optimistes …Les différents quinquennats qui ont précédé celui de François Hollande, qu’ils soient de gauche ou de droite, nous ont montré que la question du respect de la vie, et plus généralement, celle du développement d’une véritable politique familiale encourageant la maternité et l’aide aux femmes enceintes en difficulté à choisir la vie, n’étaient pas au cœur des programmes !
Ces dernières semaines, la question de l’avortement s’est pourtant invitée dans les débats des primaires de la droite et j’ai pu constater que l’insulte suprême entre candidats semblait être d’être taxé de « contre l’avortement » ! J’ai assisté à cet aveu quasi général, à l’exception de Jean-Frédéric Poisson, du droit à l’avortement comme un droit acquis sur lequel nul ne reviendrait, et ce, en dépit de sa reconnaissance comme un drame. Si beaucoup d’hommes politiques s’accordent à reconnaître que l’avortement est toujours un drame, peu sont décidés à prendre des mesures claires pour en réduire le nombre. Je ne peux donc aujourd’hui qu’espérer un sursaut dans la prise de conscience des politiques, autour des réalités qui entourent l’IVG et vais poursuivre, au sein de Choisir la Vie, les campagnes de sensibilisation en ce sens.
L’extension du « délit d’entrave » à l’avortement menace-t-elle l’existence des mouvements pro-vie en France ? Faut-il craindre que les manifestations comme La Marche Pour la Vie puissent être interdites pour un tel motif ?
C’est, sans nul doute, en tous cas, la volonté du gouvernement ! Mais c’est méconnaître la persévérance et la résistance de l’ensemble des acteurs pro-vie. Il y a fort à penser également que cette loi fera l’objet d’un recours auprès du Conseil Constitutionnel dans les semaines qui viennent. De plus, les dispositions de la loi sont suffisamment floues et imprécises autour de la notion d’entrave numérique à l’IVG, qu’à supposer que nos associations soient poursuivies pour un tel délit, nous puissions légitimement penser que les juges auront peine à caractériser les éléments matériels nécessaires à la constitution de l’infraction. En effet, le texte est le suivant :
« Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8. par tout moyen, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse. »
Le fait de diffuser des informations sur la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse serait donc un élément constitutif du délit. Or, quelle est donc la vérité « suprême », incontestable, entourant la nature, les caractéristiques et les conséquences de l’IVG ? Par qui cette vérité est-elle établie ? Notre principe constitutionnel français de légalité des délits et des peines, associé au principe de l’interprétation stricte en droit pénal, laisse espérer qu’en l’absence de définition stricte, claire, de chacun des termes (nature, caractéristiques et conséquences de l’IVG), le délit ne pourrait être constitué. En tout état de cause, il y aura matière à interprétation et à jurisprudence.
Quant à la Marche pour la Vie, si le gouvernement veut l’interdire, il a beaucoup de cordes à son arc pour le faire (état d’urgence et menace de trouble à l’ordre public notamment) mais nous trouverons alors les moyens de riposter et faire entendre notre voix malgré tout !
Nous restons en tous cas dans la confiance, depuis 2005, la Marche pour la Vie à l’exception de 2013 (volonté des organisateurs de la marche pour la Vie de rejoindre le grand mouvement de la Manif pour tous) et 2016 (état d’urgence post attentats) a toujours eu lieu. […]
Quel sera le thème particulier de cette prochaine marche pour la vie, marche qui aura lieu en pleine campagne présidentielle ?
Cette 11e Marche pour la Vie revêt forcément cette année un aspect très particulier et important parce qu’elle se situe au cœur d’une année présidentielle. C’est donc plus que jamais le moment de lancer un message fort à nos politiques.
Depuis quelques jours, vous avez ainsi pu voir fleurir sur les réseaux sociaux des minis spots mettant en scène la réaction si souvent observée de l’entourage à l’annonce d’une grossesse. Il y a la réaction de la famille, de l’entourage professionnel, des amis, des professionnels de santé… Les réactions observées vont souvent déterminer le choix de la femme de recourir à l’avortement et c’est la raison pour laquelle nous sommes tous concernés par l’IVG car nous devons tous avoir à cœur d’observer une réaction d’accueil bienveillant de l’annonce d’une grossesse qui aidera la femme à faire le choix de la poursuite de sa grossesse.
Nous souhaitons donc insister cette année sur le fait que l’avortement ne peut être relégué au rang de choix personnel et liberté de la femme. Ce dernier concerne tout un chacun. Avec plus de 200 000 avortements par an, nous ne pouvons faire fi de ce drame et penser que cette question ne nous concerne pas…Le gouvernement, avec sa proposition de loi sur l’extension du délit d’entrave, encore une fois, laisse penser et présuppose que le discernement de la femme pour le choix ou non d’avorter se fait seul et que ce choix ne concerne que celle-ci.
D’ailleurs, François Fillon, face à Alain Juppé, n’a t’-il pas dit lui-même au moment du débat du 24 novembre des primaires sur la question de l’IVG, qu’ « étant par ailleurs un homme, ce n’était pas à lui de prendre une décision ». Faire porter l’entière responsabilité d’un tel acte sur autrui, est un peu facile, vous ne croyez pas ? Au contraire, nous souhaitons que ce slogan « IVG, tous concernés ! », axe mobilisateur principal de cette marche, résonne en nous comme un appel à prendre nos responsabilités et à nous engager !
Parce que nous sommes ainsi tous concernés par l’IVG, nous vous donnons tous rendez-vous le 22 janvier à Paris pour cette grande marche qui est la Marche pour la Vie !"