A l’approche de la conférence du 4 février, l’abbé Raffray répond au Rouge et Noir. Extrait :
L’un des plus grands défis de l’Église aujourd’hui est sa capacité de dialoguer avec le monde. Non pas parce qu’elle devrait s’y adapter ou y puiser une quelconque sagesse, mais parce que pour prêcher l’évangile, sans concession, il faut connaitre et comprendre les préoccupations, les questions et les inquiétudes de ceux auxquels on s’adresse. Car la foi chrétienne n’est pas une idéologie à laquelle l’intelligence devrait se plier sans raisonner. C’est au contraire une Vérité au sens le plus noble de ce terme : un absolu, qui nous est révélé par Dieu lui-même, pour notre bien, c’est-à-dire pour notre salut. La foi s’adresse donc à l’intelligence des hommes – et non à leurs sentiments ou leurs émotions – et c’est pour cela qu’elle peut répondre aux préoccupations non seulement des individus, mais aussi des sociétés : un sentiment ne se communique pas, alors qu’un argument, oui ! Il est donc indispensable de dialoguer avec la société : l’Église a un rôle à jouer dans le redressement moral et social de notre pays, un rôle de premier plan. Tout progrès en ce sens ne pourra se faire qu’avec et même grâce à l’Église catholique, qui a été au cours de l’histoire de France le pilier central de notre société. Certes, l’Église traverse aujourd’hui une crise identitaire dramatique ; mais cette crise n’est que le pendant — et peut-être la conséquence ou même l’une des causes — de la crise identitaire que traverse l’Europe chrétienne. Construire un futur meilleur au niveau politique et social, un futur en harmonie avec l’identité de la France, ne peut donc évidemment se faire que grâce à une collaboration entre l’Église et le monde : une nouvelle alliance sacrée entre le sabre et le goupillon !
C’est dans cette optique qu’un échange d’idées avec Patrick Buisson prend tout son sens : il est l’un des témoins privilégiés des évolutions contemporaines de la société. D’abord en tant qu’historien et politologue, grâce à ses analyses pertinentes et passionnantes des transformations actuelles de la société ; mais aussi en tant que théoricien des idées et praticien de la politique française. Le combat civilisationnel qu’il mène, à sa façon, montre sa préoccupation pour « la cause du peuple », pour reprendre le titre de son ouvrage de 2016. Cette cause, urgente, ce doit être aussi la cause de l’Église : retrouver un langage qui parle aux hommes, qui écoute et reçoit les préoccupations du peuple, afin de les mener vers Dieu. Cette préoccupation appelle évidemment un retour aux racines, dont Patrick Buisson est un grand défenseur, mais elle appellent, plus profondément, à un retour vers le vrai et le bien, face à la décomposition progressive et systématique de notre monde. En quelques sortes, nous voulons ainsi participer à une forme de « convergence des luttes » en faveur d’un renouveau de notre société : un renouveau politique et social, certes, mais d’abord, et nécessairement, philosophique et spirituel ! […]