De Thibaud Collin dans L’Appel de Chartres :
[…] La nature du pèlerinage de chrétienté est inscrite dans son nom. La chrétienté n’est pas un état idéal, objet d’utopie ou de nostalgie. C’est le fruit « naturel » de l’évangélisation de personnes insérées dans une culture et une société. La chrétienté, c’est la grâce divine qui pénètre l’épaisseur du monde humain. Partout où il y a une communauté, il peut avoir une chrétienté. Qu’est-ce qu’une famille chrétienne si ce n’est une micro-chrétienté ? Et une école chrétienne ? Une troupe scoute ? La chrétienté se forme lorsque les vertus théologales rayonnent sur et dans des institutions qui disposent les membres de cette communauté à suivre le Christ.
C’est un monde où les hommes blessés par le péché originel et souillés par leurs propres péchés vivent malgré tout des sacrements et reçoivent la force divine leur permettant d’assumer leur condition humaine dans son amplitude. La maturité désigne aussi « l’état de ce qui a atteint son plein développement ». Loin de moi l’idée que le pèlerinage ne peut plus croître !
Le plein développement d’un vivant n’est pas synonyme d’immobilisme. Le plein développement est « l’état qui confère à l’être humain la plénitude de ses moyens physiques et intellectuels. » Vivre à plein régime est donc faire preuve de créativité, d’initiative et, derechef, d’une fécondité renouvelée. A l’aune de quelle finalité peut-on mesurer la plénitude de moyens dont le pèlerinage dispose ? Pour cela il faut revenir au contexte de sa création. Face à une crise ecclésiale et nationale d’ampleur systémique, certains au début des années 1980 se sont mis en marche vers Notre-Dame de Chartres, à la suite de Péguy qui proclamait : « Il faut que France, il faut que Chrétienté continue. »
Qui peut affirmer que cette crise est finie ? Le cardinal Ratzinger avait affirmé, quelques jours avant son élection, au Colisée lors du Chemin de Croix du Vendredi Saint 2005 que l’Eglise était « une barque prête à couler » et « qui prend l’eau de toutes parts ». Ses mots ne sont-ils plus d’actualité ? Comment, par exemple, recevoir les mots de l’archevêque de Luxembourg, le jésuite Jean-Claude Hollerich, créé cardinal en 2019 par le pape François, président de la COMECE (Commission des conférences épiscopales d’Europe) et nommé rapporteur général du synode sur la synodalité qui aura lieu à Rome en 2023 : « Je crois que le fondement sociologique-scientifique à la base de l’enseignement sur les relations homosexuelles n’est plus adéquat », (entretien du 2 février 2022 à l’agence allemande Katholische nachrichtenagentur) ? L’énormité d’un tel propos n’a manifestement ému personne alors qu’il repose sur des présupposés niant purement et simplement des pans entiers de la foi et de la morale chrétiennes. Et les exemples du même type seraient malheureusement légion. A vouloir être inclusif sans discernement, on promeut l’indétermination, la confusion et le dégoût de la vérité salvifique du Christ.
Nous savons par la foi que Dieu conduit son Eglise. Mais nous savons aussi que sa Providence n’est pas magique et qu’Elle passe par la médiation de nos prières, de nos sacrifices, de nos choix, et de nos combats. Or le pèlerinage dispose des moyens physiques, intellectuels et d’abord spirituels de répondre à l’appel de Dieu au cœur de la tempête. La maturité, c’est de tenir le cap dans la tempête.