Démographie et économie sont intimement liées. La famille est source de richesse, et pas seulement matérielle. L’individualisme fait des ravages dans tous les domaines. Analyse des Echos :
[…] Portons un regard sur les pays les plus vieillissants, le Japon et l’Italie avec une fécondité de seulement 1,3 enfant par femme, pour éclairer un avenir possible pour la France. Ces pays voient leur population décroître depuis longtemps. En parallèle, le Japon connaît une quasi-stagnation économique depuis 2008 avec une croissance annuelle du PIB de seulement 0,4 %, tandis que la population active diminue rapidement, l’immigration étant très faible. L’Italie connaît depuis 2008 une quasi-stagnation économique (croissance de 0,1 %) du PIB et des destructions d’emplois. De plus, 2 millions de jeunes ont quitté l’Italie depuis les années 2000. Ces deux trajectoires économiques apparaissent comme des repoussoirs !
Les causes sont bien sûr multiples, mais un déterminant majeur réside dans les baisses de la population et surtout du nombre d’actifs. C’est un véritable changement de paradigme auquel sont désormais confrontées ces économies, habituées depuis plusieurs siècles à voir leur population croître et, en parallèle, la richesse par habitant.
Quelles anticipations pour la France ? La chaire « Transitions démographiques, transitions économiques », préoccupée depuis plusieurs années par le vieillissement, a élaboré une modélisation originale pour évaluer l’impact économique de ces transitions de grande ampleur. La baisse de la natalité se poursuivant en 2024, nous avons envisagé un scénario « à l’italienne » : une baisse continue de la natalité jusqu’en 2035 pour rejoindre le niveau de 1,3 enfant par femme, puis une stabilisation à ce niveau.
La population commencerait à décroître dès 2035, la population active à partir de 2030, avec la perspective d’environ 2 millions d’actifs en moins en 2050. Par rapport à la situation actuelle, la baisse du PIB annuel atteindrait 75 milliards d’euros (soit 3 points) en 2040 et 150 milliards d’euros (soit 6 points) en 2050. L’impact serait majeur sur les pensions, qui décrocheraient du niveau des salaires d’environ 10 % en 2040, 25 % en 2050, sans compter l’augmentation significative des impôts à partir de 2040…
Les conséquences pourraient aussi être amplifiées par le manque de confiance dans l’avenir, par l’émigration des jeunes et par le manque d’immigration. L’innovation (la robotisation, l’intelligence artificielle…) est souvent vue comme un moyen de surmonter en partie ces difficultés, mais elle ne semble pas de nature à renverser ces tendances profondes, comme le prouve l’exemple du Japon.
Rien n’est joué ! Le désir d’enfant est toujours là, mais de nombreuses raisons l’entravent. On peut citer notamment la hausse du prix de l’immobilier, qui rend difficile l’accès à un logement pour des ménages ayant plusieurs enfants, le manque de confiance dans l’avenir et l’éco-anxiété, le pouvoir d’achat en baisse pour les jeunes, les inégalités entre hommes et femmes, que ce soit dans les entreprises ou dans le foyer… Méfions-nous donc des solutions « naïves », comme concentrer son seul effort sur les politiques familiales. Le Japon et la Corée du Sud ont promu de telles politiques sans réussir à freiner la baisse de la natalité !
En définitive, pour éviter un avenir économique préoccupant, il nous faut maintenir la population active au niveau actuel, et les deux leviers essentiels sont l’immigration et la natalité. Relancer la natalité s’impose et devrait nécessiter dès maintenant un débat public sur le sort des jeunes et sur les politiques publiques pour redonner confiance en l’avenir.