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L'Eglise : L'Eglise en France

La Conférence des évêques de France est en droit de dire au gouvernement que chaque évêque décidera ce qu’il y a lieu de faire dans son diocèse

La Conférence des évêques de France est en droit de dire au gouvernement que chaque évêque décidera ce qu’il y a lieu de faire dans son diocèse

De l’abbé Michel Viot :

Le 11 mai va bientôt arriver. Ce sera en principe la fin du confinement, selon l’annonce qu’a faite le Président de la République. Ne devrait-elle pas coïncider avec la sortie du tunnel dont parlait le Pape François dans son homélie à Sainte Marthe ce vendredi 17 avril dernier lors de sa messe matinale, et dont la Conférence vient de se faire l’écho dans ses propositions au gouvernement ?

Nous devons jusqu’à cette date vivre une période intermédiaire, extrêmement dangereuse pour le bien des âmes et qui risque de placer l’Eglise dans un grand discrédit. Je veux m’intéresser tout particulièrement au sort des mourants et des personnes qui vivent l’épreuve du deuil.

Une distinction s’impose en tout premier lieu. Là où les églises sont demeurées ouvertes, les familles endeuillées ont manifesté leur reconnaissance d’avoir été accueillies et ont tout à fait compris la restreinte en nombre d’assistants, parce qu’on leur permettait de se recueillir, d’écouter la Parole de Dieu. Elles pouvaient ainsi dire dignement, au revoir à leurs défunts, dans l’église et en présence d’un prêtre auquel elles avaient pu parler auparavant. Ce fut pour beaucoup une consolation d’autant plus grande qu’on les avait empêchées d’assister leurs proches dans leurs derniers moments , et pire, dans certains cas , on n’avait pas accédé à leur demande de prêtres pour les derniers sacrements. L’administration hospitalière ou le médecin s’étaient en effet opposés à l’entrée du ministre sacré dans l’établissement.

Les responsables des diocèses qui ont fermé toutes leurs églises,  y compris pour les services funèbres, doivent savoir que leur décision a été très mal vécue par les fidèles et de nombreux prêtres et qu’il règne là un grand mécontentement, mêlé à une amère déception.

C’est pourquoi, je me demande, si pour l’immédiat, il ne serait pas urgent de faire savoir au grand public, susceptible d’avoir recours à l’Eglise pour des obsèques, que, là où c’est le cas, des églises sont ouvertes et prêtes à accueillir ceux qui demandent des services funèbres religieux. Il faudrait avoir recours aux médias laïcs, en invoquant le droit à l’information utile à la santé publique. Ne pas pouvoir faire son deuil est dangereux, tant pour l’ordre public que sur le plan sanitaire. La communauté civile risque de le payer cher par l’augmentation des états dépressifs des citoyens et l’établissement de cellules psychologiques. Compte tenu de la diversité des pratiques sur le territoire français au sein de la seule Église catholique, gens ne savent plus ce qu’ils doivent faire.. La police nationale non plus, j’en ai eu la preuve plusieurs fois. Et tout récemment son intervention intempestive, autant que maladroite pour interrompre une messe à Saint André de l’Europe, à Paris, montre bien la méconnaissance de la loi de 1905 et des règlements en vigueur décidés par le gouvernement et acceptés à juste titre, je le redis par nos évêques (dans cette église, ce dimanche 19 avril, il n’y avait que le prêtre célébrant, un servant, un chantre, un organiste et trois paroissiens ! La messe étant diffusée sur les réseaux sociaux. Notre Archevêque a protesté, tout comme le curé de la paroisse. Il n’y a pas eu de sanctions, mais tout de même…!)

Pour le 11 mai, et pour mettre fin (avec prudence) à la situation actuelle, un passage de l’homélie de Notre Saint Père François de ce 17 avril dernier à Sainte Marthe m’a beaucoup touché, et j’y reviens. Il concernait la familiarité des chrétiens avec leur Seigneur.

« Une familiarité sans communauté, une familiarité sans le Pain, une familiarité sans Église – disons le gnostique – une familiarité seulement pour moi, détache du peuple de Dieu ».

Puis plus loin, à propos des retransmissions par les ondes

« Attention à ne pas virtualiser l’Eglise, à ne pas virtualiser les sacrements. Le peuple de Dieu est concret. C’est vrai qu’en ce moment nous devons user de cette familiarité avec le Seigneur de cette façon, mais pour sortir du tunnel, pas pour y rester ».

Je trouverais judicieux de faire connaître à nos fidèles et aux autorités politiques ce texte papal. Car, en fin de compte, vous savez que c’est le Saint Siège qui est le vis-à-vis naturel du gouvernement de la République française.

Cette pensée aurait elle inspirée notre président de la République, quand il s’est mis en scène télévisuelle pour un début de conversation téléphonique avec le Pape François ? J’avoue que j’ai peine à y croire, car l’Elysée faisait ensuite savoir qu’il y avait identité de vues entre le Saint Siège et le Président (seulement en politique étrangère), que dans la foulée, le même Président s’entretenait en conférence à distance avec les représentants des religions en France pour s’entretenir de la reprise des cérémonies religieuses publiques.

Le fait qu’il faille sortir du tunnel pour la distribution des sacrements constitue donc pour tout catholique, une obligation non négociable. Les modalités le sont, tant sur le plan sanitaire que pour l’ordre public. L’évêque est maître dans son diocèse, vous le savez bien. Et pour ce qui concerne le national, c’est l’instance de Matignon, co-présidée par le Premier Ministre et le Nonce Apostolique (où siègent entre autres, le président de la CEF, et l’Archevêque de Paris) qui doit trancher s’il y a problème.

Beaucoup d’éléments montraient qu’il ne devait y en avoir. Aussi la Conférence des évêques de France a-t’elle proposé au gouvernement un plan de sortie de déconfinement progressif qui peut commencer le 11 mai ou au plus tard le dimanche 17 mai. Cette proposition, tant dans son fond que dans sa forme répond aux besoins religieux catholiques, sans menacer la sécurité sanitaire des français. Le Premier Ministre va y réfléchir, soit ! Mais du côté de l’Elysée, on fait courir le bruit, selon une méthode bien connue que le Président n’accepterait de rendre la liberté de culte aux français catholiques qu’à la mi-juin.

Personnellement je crois que c’est un abus de pouvoir qui doit rendre fort suspect aux yeux des catholiques l’homme qui envisage une pareille décision ! Le spot télévisé avec le Saint Père au téléphone n’aurait-il été qu’une bande annonce ? Un ou des experts sanitaires auraient-ils conseillé le Chef de l’Etat, dans ce sens, les mêmes qui n’ont pas su prévoir la pandémie et qui la gèrent de la façon qu’on sait ? Et l’on pourrait se poser d’autres questions…

Surtout si on réfléchit bien à ce que représente l’Eglise catholique pour l’actuel Chef de l’Etat.

Un exemple l’exprimera mieux que tous les discours. Dans un récent discours commémorant le premier anniversaire de l’incendie de Notre Dame le président disait

«  Si la restauration de Notre Dame nous importe à tous, c’est sans doute aussi parce qu’elle est le symbole de la résilience de notre peuple, de sa capacité à surmonter les épreuves, et à se relever »

Quand j’ai entendu cela, j’ai regretté qu’Arletty ne soit plus parmi nous. Copiant Henri Janson je lui aurais écrit un texte qu’elle aurait très certainement dit pour parler au nom de cathédrale et s’adresser au président Macron.

« C’est la première fois qu’on me traite de résilience ! Si je suis une résilience, t’es un drôle de bled ! Les types qui sortent du milieu sans en être et qui crânent à cause de ce qu’ils ont été, on devrait les vider ! Résilience ! Résilience ! Est-ce que j’ai une gueule de résilience ? ».

Dans le film Hôtel du Nord, Arletty lançait cette réplique avec à la place de résilience, le mot atmosphère dont Louis Jouvet, qui jouait le rôle de son souteneur l’avait qualifiée. Et Arletty n’avait pas plus une gueule d’atmosphère que Notre Dame de Paris, pardon chère cathédrale, n’a une gueule de résilience. Le président sait bien, lui qui prend tant de soins à choisir ses mots, souvent avec astuce, ce que signifie résilience appliquée à la psychologie : «  aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques (Larousse). Il s’agit d’une disposition innée, n’engageant pas la volonté pour son acquisition (l’homme est apte à courir, à manger, à voter…) Parler de Notre Dame comme d’une résilience, c’est considérer cette cathédrale comme une aptitude des français à se relever…indépendamment de leur volonté. Rappelons cette phrase de Saint Augustin qui a connu l’incendie de l’empire romain «  Dieu qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi . »

Alors il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout du raisonnement sur l’infini respect de Dieu pour notre liberté. Si nous ne choisissons pas de ployer le genou devant Lui, il ploiera le sien devant notre bon vouloir, ou plutôt notre veulerie face au pouvoir politique. Et qu’on se le dise, il n’y a nulle résilience en enfer. Le conseil national de la résilience qui en serait l’anti chambre et et au sein duquel on s’imagine pouvoir faire assoir les représentants de l’Eglise catholique à côté des chefs des Obédiences maçonniques est une sinistre farce.

C’est pourquoi, si le Pouvoir persévérait dans une telle mauvaise volonté, il me semble que la Conférence des évêques de France, s’appuyant sur la doctrine traditionnelle de l’Eglise, serait en droit de dire au gouvernement qu’elle maintient ce qu’elle a proposé et que chaque évêque, dans son diocèse décidera ce qu’il y a lieu de faire. Et que c’est à lui, et à lui seul, qu’en matière de célébrations liturgiques chaque prêtre obéira.

Par ailleurs, je crois qu’il ne serait pas inutile pour les responsables catholiques de consulter une ou des sommités médicales afin d’obtenir des recommandations pertinentes, et scientifiquement inattaquables sur la dangerosité du virus dans le cas de réunion d’une assemblée, forcément réduite pour respecter les espaces entre les personnes, et il pourrait aussi se prononcer sur la question du dépôt de l’hostie sur la langue (et non pas dans la bouche) ou sur la main.

Je crois que le clergé est prêt à célébrer plusieurs messes par dimanche, ou week-end, de même qu’en semaine, d’inégales longueur, et de consacrer le temps qu’il faudra à entendre en confession, et ce, dès le 11 mai. Pour ce dernier point, aussi, les conditions sanitaires entreront en jeu. Nos anciens confessionnaux offrent toutes les garanties d’aménagement, mais il y a d’autres possibilités.

À partir de là, je crois qu’il ne serait peut-être pas mauvais de rappeler les leçons de l’histoire. Après chaque grande épidémie, il y a toujours eu de la vengeance dans l’air et une grande soif de justice. Qui des deux l’emportera ? La voix de l’Eglise incite à la paix, à la justice, mais aussi à la vérité. Et les français ont et auront de plus en plus besoin de justice et de vérité ! L’Etat n’est pas en position de refuser de l’aide pour la tranquillité publique. Il devrait faciliter l’expression publique de paroles de paix et d’espérance, dont celles de l’Eglise catholique. En s’y refusant, ou en les retardant, il prendrait alors le risque de laisser s’installer le fantasme à défaut des vérités rationnelles. Jadis, après les grandes épidémies, on brûlait des juifs ou des sorciers . Aujourd’hui qui brûlera-t’on ?

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