Selon Valeurs Actuelles, la crise de l’orthographe est un "désastre linguistique, dont on commence enfin à prendre la mesure" :
"l’orthographe suppose une discipline dont la société moderne a tendance à s’affranchir. Elle impose le respect de règles auxquelles les jeunes ont du mal à se plier. […] L’école et l’orthographe valorisent l’abnégation et l’effort. Le monde dans lequel vivent les élèves est celui de l’instant, du zapping et de l’hédonisme. Rien qui favorise la concentration ou le travail. Mais quelles conclusions tirer de ce constat ? Faut-il laisser faire ce désastre, au motif – fallacieux – que la règle brimerait la spontanéité des enfants ?
Cela, c’est le discours des “pédagogistes” qui ont inspiré presque toutes les réformes de l’Éducation nationale depuis une quarantaine d’années. Il a sa logique : l’enfant doit acquérir un savoir par sa propre activité (c’est ce que l’on appelle le socioconstructivisme). Il a ses conséquences : la suppression de tout ce qui ressemble à une contrainte (donc de la dictée et même des leçons de grammaire, remplacée par l’“observation raisonnée de la langue”) et, in fine, la “simplification” de l’orthographe. La langue devrait être dépouillée de sa “rigidité conservatrice”. C’est ce que préconisait un collectif de professeurs et de linguistes qui plaidaient pour la “modernisation” de l’écriture dans un texte retentissant, le Manifeste des dix, publié dans le Monde en 1989.
Le monde de Georges Orwell n’est plus très loin :
"Prenez “bon”, par exemple […]. Quelle nécessité y a-t-il à avoir un mot comme “mauvais” ? “Inbon” fera tout aussi bien, mieux même, parce qu’il est l’opposé exact de “bon”, ce que n’est pas l’autre mot". (1984)
Sauver les lettres se bat contre la dérive pédagogiste : en 2004, cette association a lancé un Appel pour le rétablissement des horaires de français. Dans son rapport (pdf, 39 pages), le Haut conseil de l’éducation a mis en évidence la nécessité d’une réforme en profondeur de l’école primaire. L’apprentissage des fondamentaux, dont l’orthographe fait partie, est au cœur de toutes les préoccupations. Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale, a publié fin octobre (pdf, 4 pages) les grandes lignes de sa réforme de l’enseignement primaire, dont la priorité absolue est "l’apprentissage de la langue française tout au long de la scolarité primaire". En espérant que ceci ne reste pas lettre morte.