Ce matin, le Pape François a reçu 4 nouveaux Ambassadeurs : Kirghizistan, Antigua – Barbuda, Luxembourg, Botswana. Il leur a dit :
"L'humanité est à un tournant de son histoire, eu égard aux progrès
enregistrés en divers domaines. S'il faut saluer les acquis positifs qui
contribuent au bien-être authentique de l’humanité en matière de santé,
d’éducation et de communication par exemple, il y a lieu de reconnaître
que la plupart des hommes et des femmes de notre temps continuent de
vivre dans une précarité
quotidienne aux conséquences funestes. Certaines maladies augmentent,
avec les conséquences psychiques que sont la peur et le désespoir pour
beaucoup de gens, y compris dans les pays développés. La joie de vivre
s’amenuise, l’indécence et la violence prennent de l’ampleur, la
pauvreté y devient plus criante. Il faut lutter pour vivre, et pour
vivre souvent de manière indigne. L’une des causes de cette situation
réside dans le rapport que nous entretenons avec l’argent, et dans notre
acceptation de son empire sur nos êtres et nos sociétés. Ainsi la crise
financière que nous traversons fait elle oublier que son origine plonge
dans une profonde crise anthropologique. Dans la négation du primat de
l’homme! On s’est créé des idoles nouvelles. L’adoration de l’antique
veau d’or a trouvé un visage nouveau et
impitoyable dans le fétichisme de l’argent, et dans la dictature de
l’économie sans visage, ni but vraiment humain"."La crise mondiale qui touche les finances et l’économie
semble mettre en lumière leurs difformités, et surtout la grave
déficience de leur orientation anthropologique qui réduit l’homme à une
seule de ses nécessités: la consommation. Et pire encore, l’être humain
est considéré comme étant lui-même un bien de consommation qu’on peut
utiliser, puis jeter. De fait, nous nous sommes jetés dans une culture
du déchet. Cette dérive se situe au niveau individuel et sociétal. Dans
un tel contexte, la solidarité qui est le trésor du pauvre, est souvent
considérée comme contre-productive, contraire à la rationalité
financière et économique. Alors que le revenu d’une minorité s’accroît
de manière exponentielle, celui de la majorité
s’affaiblit. Ce déséquilibre provient d’idéologies promotrices de
l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière, niant
ainsi le droit de contrôle aux États chargés pourtant de pourvoir au
bien-commun. S’installe une nouvelle tyrannie invisible, parfois
virtuelle, qui impose unilatéralement, et sans recours possible, ses
lois et ses règles. En outre, l’endettement et le crédit éloignent les
pays de leur économie réelle, et les citoyens de leur pouvoir d’achat
réel. A cela s’ajoute, si besoin en est, une corruption tentaculaire et
une évasion fiscale égoïste qui ont pris des dimensions mondiales. La
volonté de puissance et de possession est désormais sans limite.
Derrière cette attitude se cache le refus de l’éthique, le refus de
Dieu. Tout comme la
solidarité, l’éthique dérange. Elle est considérée comme
contre-productive et trop humaine, car elle relativise l’argent et le
pouvoir ; comme une menace, car elle refuse la manipulation et
l’assujettissement de la personne. Car l’éthique conduit vers Dieu qui,
lui, se situe en-dehors des catégories du marché. Dieu est considéré par
ces financiers, économistes et politiques, comme incontrôlable, voire
dangereux. Or Dieu n'est pas contrôlable! Puisqu’il appelle l’homme à sa
réalisation plénière et à son indépendance de toute forme d'esclavage.
L’éthique, naturellement non idéologique, permet de créer un équilibre
et un ordre social plus humains. En ce sens, j’encourage les décideurs
financiers et les gouvernants de vos pays, à considérer les paroles
de saint Jean Chrysostome: Ne pas faire participer les pauvres à ses
propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas
nos biens que nous détenons, mais les leurs"."Il serait donc souhaitable de réaliser une réforme
financière qui soit éthique et qui entraînerait à son tour une réforme
économique salutaire pour tous. Celle-ci demanderait toutefois un
changement courageux d’attitude des dirigeants politiques. Je les
exhorte à faire face à ce défi, avec détermination et clairvoyance, en
tenant certes compte de la particularité des contextes. L’argent doit
servir et non pas gouverner. Le Pape aime tout le monde, les riches
comme les pauvres. Mais le Pape a le devoir au nom du Christ, de
rappeler au riche qu’il doit aider le pauvre, le respecter, le
promouvoir. Le Pape appelle à la solidarité désintéressée, et à un
retour de l’éthique pour l’humain dans la réalité financière et
économique. Pour sa part, l'Eglise oeuvre
toujours pour le développement intégral de toute personne. En ce sens,
elle rappelle que le bien commun ne devrait pas être un simple ajout, un
simple schéma conceptuel de qualité inférieure inséré dans les
programmes politiques. Elle encourage les gouvernants à être vraiment au
service du bien commun de leurs populations. Elle exhorte les
dirigeants des entités financières à prendre en compte l’éthique et la
solidarité. Et pourquoi ne se tourneraient-ils pas vers Dieu pour
s’inspirer de ses desseins? Il se créera alors une nouvelle mentalité
politique et économique qui contribuera à transformer l’absolue
dichotomie entre les sphères économique et sociale en une saine
cohabitation. Pour terminer, je salue chaleureusement, par votre
entremise, les pasteurs et les fidèles des communautés catholiques de v
os
pays. Je les invite à poursuivre leur témoignage courageux et joyeux de
la foi et de l’amour fraternel enseignés par le Christ. Qu’ils n’aient
pas peur d’apporter leur contribution au développement de leurs pays, en
ayant des initiatives et des attitudes inspirées par l'Ecriture!".