Maxence Hecquard a publié en mai dernier un ouvrage imposant dans lequel il revisite les fondements et la genèse de la démocratie moderne, cette nouvelle religion séculière, ce dogme intouchable, cette "valeur de la République", selon l'expression consacrée. Dans Les Fondements philosophiques de la démocratie moderne, il montre la métaphysique de ce régime en évolution perpétuelle, né des Lumières, pensé notamment par Kant, Hegel et Darwin. Même les représentants de l'Eglise ont fini par adopter la terminologie propre à la démocratie, en en faisant presque un principe non négociable du bien commun. Alors que, le plus souvent, la démocratie moderne écrase le principe de subsidiarité sous un totalitarisme soft. Cet idéal est une utopie, mais une utopie plaisante, à la fois pour les dirigeants mais aussi pour les électeurs qui aiment se plier au jeu :
"Le vice du régime est contradiction essentielle : faire gouverner un peuple incapable de le faire. Pour que la démocratie fonctionne, il faut que quelque tribun mente au peuple en lui déclarant exécuter ses volontés quand il ne suit que la sienne."
Toute ressemblance avec l'actualité n'est pas fortuite. Et ce théâtre électoral se poursuit alors que l'échec de la démocratie est patent :
"[D]eux siècles après la grande révolution, le monde n'est toujours pas en paix. Deux guerres mondiales ont eu lieu au XXe siècle en son nom […]. A l'orée du troisième millénaire force est de constater que la démocratie progresse toujours mieux par les avions bombardiers que par les urnes. Des coalitions occidentales (souvent emmenées par les Etats-Unis…) déstabilisent, voire attaquent, nombre de régimes d'orient ou du sud au prétexte d'"insuffisance démocratique", celle-ci étant certifiée par des autorités "morales" autoproclamées.
Régression culturelle et guerres multiples : la Terre promise par les Lumières semble encore loin…
D'où vient ce paradoxe ? Comment expliquer qu'un régime qui ne vise que la cohabitation tranquille et l'épanouissement des hommes engendre tant de conflits ?
La question est celle du passage. Comment le despotisme pour instaurer la république . Comment briser la dictature pour gagner la liberté ? Comment sortir de l'obscurité ? La réponse des Lumières et unanime : par la violence".
Ainsi fonctionne l'idéologie démocrate : au nom des lendemains qui chantent, tout est possible aujourd'hui. Rousseau, Kant, Hegel sont unanimes là-dessus : la violence et la terreur sont une étape inévitable de la liberté.
Et dans le concert politico-médiatique, il n'est pas possible de s'exprimer sereinement si l'on n'a pas professé son adhésion à la démocratie, laquelle se fait totalitaire :
"Claude Polin explique que le totalitarisme se définit comme l'unicité d'un parti qui se maintient par une police de la pensée : "Une société est totalitaire oosqu'elle tend à se donner en tant que telle, c'est-à-dire en tant que totalité de se membres, pour supérieure à n'importe laquelle de ses parties, sur laquelle le tout entend du même coup exercer un pouvoir total, en lui déniant tout droit à se poser en face de lui comme un être à part entière." Force est de reconnaître que la démocratie répond à cette définition : elle ne souffre pas la contradiction. La démocratie est idéologique et totalitaire car ses valeurs sont exclusives et parce qu'elle prône une métaphysique incompatible avec toute autre vision du monde."