Lu sur Metablog :
"[Q]u'est-ce que la désobéissance civile selon Hannah Arendt : ni
l'objection de conscience ni non plus une résistance à l'autorité qui
serait purement subjective. La désobéissance civile a trois
caractéristiques selon la philosophe : la publicité (on résiste pour les
autres), la non-violence (on résiste sans rébellion ni révolution), le
fait de provenir non pas d'individus isolés mais de groupes, parce que
c'est essentiellement un geste politique et pas simplement un geste
moral. La désobéissance civile est un geste qui n'est ni réactionnaire
ni révolutionnaire, c'est un geste conservateur : il s'agit d'invoquer
l'esprit de la loi contre la loi…Je me suis demandé si les Veilleurs étaient en train d'instaurer un
espace de résistance ou de désobéissance civile. Et pourquoi non ? Toute
démocratie, si elle ne souhaite pas être dominée par la dictature la
plus pernicieuse et la plus cachée, la tyrannie de la majorité, doit
avoir recours à des espaces de désobéissance civile pour équilibrer le
jeu politique de la majorité et de la minorité.De ce point de vue, l'espace de la désobéissance civile est
indispensable en toute vraie démocratie. Elle nous vaccine contre le
Contrat social à la mode de Rousseau (où la majorité est prise comme
l'unanimité citoyenne en un redoutable tour de passe passe). Comme
l'écrit Hannah Arendt : "Le consensus de fait ne peut représenter le
consensus de droit. Si tel était le cas, alors une humanité hautement
organisée pourrait en arriver à conclure le plus démocratiquement du
monde, c'est-à-dire à la majorité, que l'humanité en tant que tout
aurait avantage à liquider certaines de ses parties" (cit. in A.M.
ROVIELLO, Sens commun et modernité chez HA").Je reviens demain sur Hannah et sur le film extraordinaire que vient de
lui consacrer Margarethe von Trotta (allez le voir !). Mais je crois que
Les Veilleurs pourraient bien réussir à dé-rousseauiser notre
République, en inscrivant invisiblement sur le sol de Paris, cet espace
de liberté spirituelle, où un vivant esprit de la loi peut juger des
lois perverses, même de celles qui se recommandent d'un vote républicain
pour s'imposer violemment à tous les citoyens. Loin d'être un coup de
canif dans la démocratie, la désobéissance civile apparaît comme le seul
moyen d'être vraiment démocrate. Il s'agit d'empêcher que se mette en
place cette tyrannie de la majorité, où, disait déjà Aristote, "tout le
peuple est comme un seul tyran". Hannah Arendt, convaincue de
l'importance de ces considérations (voir son article dans Du mensonge à
la violence) appelait à constitutionnaliser la désobéissance civile.En attendant il faut encourager les Veilleurs, les aider à faire vivre
en France, pour la première fois depuis longtemps, une vraie démocratie.
Le temps des Veilleurs est bien un temps politique, comme le disait
Axel : le temps de la désobéissance civile."