Lu dans L'Action française 2000 :
"Pour certains, tout a commencé en 1973 avec la loi bancaire interdisant à l’État de se financer directement auprès de la Banque de France. Cette loi, gravée par la suite dans le marbre des traités européens, a donné aux banques privées l’oligopole du financement des États. Une manne financière gigantesque et peu risquée, qui a rapidement conduit une bonne partie de l’opinion à désigner les banques comme les responsables de l’endettement inconsidéré des États, et de celui de la France en particulier.
La thèse est toutefois largement controversée, et il est vrai que le faisceau de facteurs politiques et économiques de la période (choc pétrolier, fin de la reconstruction après guerre) contribue également à expliquer le phénomène de la croissance soudaine et exponentielle de la dette publique. Il n’empêche : la corrélation est manifeste, et quand on sait de quelle manière les banquiers de Dexia, notamment, démarchaient les élus des collectivités pour placer leurs produits financiers (dette), on ne voit pas pourquoi il n’en n’aurait pas été de même à la tête de l’État.
La dette publique correspond au cumul des déficits budgétaires annuels, en ce compris les emprunts exceptionnels de type grand emprunt Sarkozy. En France comme dans les autres pays européens, elle est encadrée de manière absolue par les critères de convergence (60 % du PIB maximum), et de manière évolutive par la limite de déficit budgétaire (3 % du PIB maximum). Des limites qui ont été allègrement franchies par tous les gouvernements soumis à ces critères pour s’élever en 2014 à 4 % (déficit public) et 97,5 % (dette publique) du PIB. Le vote de l’exécution budgétaire 2014, il y a quelques jours de cela, est à ce titre révélateur : les uns se félicitent que le déficit n’ait représenté que 4 % du PIB contre les 4,4 % prévus, oubliant de préciser que ces 4,4 % sont ceux de la dernière loi de finances rectificative, mais surtout que le budget est voté en valeur absolue et non en proportion du PIB, celui-ci dépendant également de la croissance. Il en résulte que le déficit, initialement prévu à 82,5 milliards d’euros, a été porté à 83,9 milliards par la première loi de finances rectificative (juillet 2014), puis à 88,2 milliards par celle de décembre 2014. La baisse annoncée par le gouvernement masque donc une augmentation du déficit à hauteur de 85,6 milliards d’euros, augmentation par rapport au budget initial (+ 3,7 %), mais aussi par rapport à 2013.
De ce fait, la dette publique de la France continue de se creuser dangereusement. Après avoir atteint le seuil symbolique de 2 000 milliards d’euros en 2014, la crainte du gouvernement est qu’elle atteigne celui de 100 % du PIB avant la fin du mandat de François Hollande. D’après nos calculs, à moins d’une croissance exceptionnelle en 2016, ce seuil sera pourtant atteint d’ici la prochaine présidentielle. Quant au poids de la charge des intérêts d’emprunt, il devrait s’élever en 2015 à 44 milliards d’euros, le deuxième poste budgétaire après l’Éducation nationale. Si cette charge est annoncée en baisse, c’est uniquement grâce au niveau historiquement bas des taux d’intérêts ; c’est encore ici que le bât blesse et que la réalité française rejoint la grecque. Les faibles taux d’intérêts rendent le coût de l’endettement moins visible et moins sensible pour le budget de l’État, qui ne raisonne que de manière relative et s’endette donc d’autant plus lourdement. Parallèlement, ce ne sont pas moins de 120 milliards d'euros de dettes qui arriveront à échéance en 2015 et devront être refinancés durant l’exercice. Ajoutons encore que le déficit budgétaire hors charge de la dette s’établit à plus de 30 milliards d’euros, ce qui signifie que les intérêts de la dette publique sont financés par… l’emprunt. La France emprunte donc à long terme pour financer ses besoins de fonctionnement à court terme (et non l’investissement), situation économiquement mortifère.
Le scénario d’une remontée des taux d’intérêts, certes pris en compte dans le budget mais de manière très progressive (donc optimiste), pourrait créer un choc dans les années à venir, du fait de des créanciers – à l’image de la Grèce. Mais qui sont donc ces créanciers ? Secret d’État. La réponse précise n’est pas publique. Tout au plus apprend-on sur le site de l’Agence France Trésor (organisme chargé de la gestion de la dette de l’État) qu’elle est détenue à 64,4 % par des non-résidents et à 30% environ par des compagnies d’assurance et des banques françaises (mais dont l’actionnariat est, lui aussi, partiellement non-résident…). C’est ce qui rend l’exemple japonais non transposable à la situation française, puisque 95 % de la dette du pays développé le plus endetté au monde sont détenus par des agents économiques japonais. Ajoutons la propension des gouvernants à pratiquer la politique de la “patate chaude” élection après élection, et l’on aura une idée du tableau, très grec, que nous inspire la situation de la dette publique française : celui d’une épée de Damoclès suspendue au-dessus du peuple français par le fil de la courbe des taux d’intérêts."