Ce conducteur de métro parisien avoue être clairement opposé à la grève :
"Mais à cause des pressions, je vais peut-être devoir participer au mouvement. Je me déciderai à dernière minute. En 1995 aussi, j’étais contre la grève. Mais des collègues ont crevé les pneus de ma voiture…".
Christine, ancienne machiniste à la RATP, se souvient d’un conflit de 1986 :
"On faisait pression sur moi pour que je ne travaille pas. C’étaient des menaces verbales, des intimidations d’autant plus dures que nous sommes peu de femmes dans cet univers très masculin."
Le président de la RATP, Bernard Van Craeynest, raconte :
"Celui qui veut bosser est seul face au groupe et il faut avoir la foi chevillée au corps pour résister aux quolibets et aux insultes. Après un conflit, pour ne pas avoir à affronter les autres, certains non-grévistes se font porter pâles ou jettent carrément l’éponge en quittant l’entreprise. Ce sont les conséquences invisibles des mouvements de grève."
Un syndicaliste ajoute :
"On a notamment vu des saccages de véhicules, des oppositions à la sortie des bus, ainsi que des menaces de s’en prendre aux biens personnels des non-grévistes, du type “on va te péter ta bagnole”."
Jean-Philippe Catanzaro, secrétaire général de la Fédération générale des transports, relève que dans les assemblées générales où l’on vote à main levée, seuls les plus «costauds» prennent la parole :
"En 2003, dans l’est de la France, des délégués ont eu leurs voitures taguées et leurs pneus crevés. Ils avaient décidé de cesser la grève, car Gilles de Robien, alors ministre des Transports, venait de dire que les régimes spéciaux ne seraient pas menacés".
Cette année, à la SNCF, les agents de conduite de la Fgaac sont dans le collimateur de leurs collègues grévistes. La Fgaac indique avoir reçu de nombreuses lettres d’insultes, le plus souvent anonymes. L’un de ses agents a même reçu un courrier menaçant sa famille. Un conducteur de la Fgaac évoque même des grévistes recouvrant les non-grévistes de talc afin qu’ils soient identifiés et stigmatisés tout au long de la journée.
"Dans ce contexte, il faut vraiment être courageux pour travailler. Beaucoup de grévistes suivront le mouvement uniquement par peur de représailles. Ce n’est pas évident de franchir un piquet de grève sous les insultes de ses collègues."
La direction de la SNCF n’a pas jugé nécessaire de prendre des mesures particulières de sécurité en faveur des non-grévistes… Quelle reconnaissance !