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France : Politique en France

La diplomatie est devenue émotionnelle comme la politique

Aymeric Chauprade se désole :

C "L’instrumentalisation du sentiment s’est désormais complètement substituée, dans tous les domaines (sécurité, justice, économie…), à la vraie politique, laquelle consisterait à traiter en profondeur la racine des problèmes. Nos gouvernants ne savent plus que larmoyer, devant des micros, tout en s’agrippant aux caméras des familles de victimes. […]

Contrairement aux partis dominants qui, à l’unisson, semblent vouloir faire de Florence Cassez un nouveau Dreyfus, nous ne voulons pas être définitifs sur cette affaire. La reconstitution spectaculaire devant les caméras de la télévision mexicaine, au lendemain de l’arrestation, en 2005, obéissait sans doute à une volonté de la part du gouvernement mexicain de médiatiser son action de répression de ce qui est un véritable fléau au Mexique : les enlèvements de personnes privées avec demande de rançon et mutilations. N’oublions pas que le président mexicain est confronté à des gangs criminels et des cartels qui, depuis 2006, ont fait plus de 30.000 morts dans ses forces de sécurité. Il s’agit d’une véritable guerre, et c’est la raison pour laquelle le petit caprice émotionnel du Tout-Paris n’impressionne guère les Mexicains. Il n’en demeure pas moins que cette reconstitution a contribué à ternir la procédure judiciaire mexicaine ; mais il faut raison garder : elle ne doit pas en effacer le contenu.

La vérité, c’est que le Mexique, grand pays membre de l’ALENA, et puissance importante de l’Amérique latine, dispose d’un vrai système judiciaire, et que les faits sont accablants pour Florence Cassez. Les témoignages sont là, et il est difficile par ailleurs (simple remarque de bon sens) de faire croire que Florence Cassez ait pu vivre pendant autant de temps dans un ranch où s’activaient une bande de tueurs, avec des armes et des munitions partout, des otages cachés et souvent torturés, ceci sans n’avoir jamais rien remarqué ! […]

Cette affaire me fait penser à celle des deux Françaises, Sarah Zaknoun et Cécile Faye, emprisonnées en 2008 en République dominicaine pour trafic de drogue, et graciées en décembre 2009 par le président dominicain à la suite d’une campagne médiatique puis politique, depuis Paris. Je suis personnellement bien placé pour savoir que dans cette affaire, le même impératif médiatique et émotionnel faisait office de politique et écrasait le fond du dossier. Heureusement pour les deux gentilles « vacancières », le président dominicain voulait faire plaisir à la France et à son président. Mais la justice dominicaine n’avait pourtant pas été prise d’hallucination collective, pas plus que celle du Mexique et des victimes qui ont témoigné ! […]

Je pense aussi à l’affaire Cesare Battisti, ce terroriste italien d’extrême gauche, que les médias français s’étaient mis en tête de faire libérer, au mépris de la justice italienne et des relations avec ce pays ami. On y a retrouvé les traditionnelles leçons de morale françaises, le mépris pour nos voisins et amis, le déni de justice et de souveraineté d’un partenaire de l’Union européenne. Je pense aussi à la gestion de l’affaire Bétancourt (la première, celle d’Ingrid), qui fut lamentable pour nos relations avec la Colombie.

Nous avons tout faux dans ces affaires ! […] nous affichons devant le monde entier une arrogance sans nom, un mépris pour la justice et la souveraineté de ces pays, comme si d’ailleurs notre justice et notre démocratie étaient exemplaires ! […] Cette politique émotionnelle, «du coup médiatique», qui contamine jusqu’à notre politique étrangère, est devenue absolument insupportable ; elle finira d’ailleurs par se montrer contre-productive pour ceux qui en usent. Car si les Français ont des émotions et peuvent tomber dans ce genre de piège, ils comprennent par ailleurs de plus en plus que le pays est gouverné dans l’instant, sans vision stratégique, et que sa tête se pose de moins en moins la question du Bien commun."

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10 commentaires

  1. entièrement d’accord; nos dirigeants n’ont plus aucune capacité de réflexion.

  2. CQFD

  3. Ce n’est pas la diplomatie qui est devenue « émotionnelle » mais bien la moindre action politique : tout est basé sur le paraître et l’émotion, moyen simple de contourner le problème de la réflexion et de la projection à long terme.

  4. VIBRIONS est un terme qui convient bien aux “dirigeants français”; d’ailleurs peut-on encore qualifier de “dirigeants français” des gens dont le rôle consiste à “inaugurer les chrysanthèmes”, les décisions importantes auxquelles la France doit se soumettre étant prises à l’étranger par “on ne sait qui”.
    Définition 2 de VIBRION :
    Personne très agitée, et souvent inopérante
    Source :
    http://www.cocoledico.com/dictionnaire/vibrion,285694.xhtml

  5. Un très bon article qui analyse “l’image” de Florence Cassez dans les médias français en concluant: “Est-ce qu’il existe encore une «diplomatie» qui ne soit pas seulement histoire d’images?”:
    http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/170211/laffaire-cassez-vue-de-mexico

  6. autre cas intéressant avec le sémillant et arrogant jeune ambassadeur de France en Tunisie qui après son “numéro” est obligé d’aller demander “l’amam”:ce qui sûrement sera interprété comme un signe de faiblesse insigne! C’est comme cela que le prestige déjà bien bas de notre pays est ridiculisé!

  7. Défend-on le bien commun quand on a choisi d’enseigner la stratégie dans un pays étranger, le Maroc par exemple, qui persécute les chrétiens ?

  8. j’ai déjà posté ce message mais il me semble qu’il n’est pas passé :
    KHOJ-AHMED NOUKHAEV ET LE NATIONALISME TCHÉTCHÈNE
    Philippe Botto 01-11-2008
    Trop souvent, les analystes occidentaux orientent leur réflexion concernant la Tchétchénie contemporaine autour du problème des crimes de guerre et du « génocide » et font l’impasse sur le discours idéologique des indépendantistes. Cette démarche conduit à sous-estimer la complexité de la dimension politique, religieuse et géopolitique de la « question tchétchène » ainsi qu’à idéaliser les combattants de l’indépendance.
    Ce rapport est dédié à l’itinéraire de vie et de pensée de Khoj-Ahmed Noukhaev. Sans méconnaître les cruautés de la guerre ni la force de l’antagonisme russo-tchétchène, il s’intéresse à l’idéologie dont se réclament les tenants de l’indépendance.
    La violence de certaines thèses ultranationalistes, leur dimension proprement irrationnelle, mythique ou mythologique, leur rhétorique antioccidentale, russophobe et parfois antisémite ont souvent été passées sous silence ou minorées comme pour ne pas ternir l’image d’une nation en marche vers son indépendance. (…)
    http://www.cf2r.org/fr/rapports-de-recherche/khoj-ahmed-noukhaev-et-le-nationalisme-tchetchene.php

  9. N’a pas semblé que les médias français accordaient à cet événement une grande importance:
    Egypte : deux millions de va-t-en-guerre pour le djihad sur la place Tahrir – Par Melba le 21 février 2011
    Il n’aura pas fallu attendre longtemps, jusqu’à l’arrivée du cheikh Al-Qadrawi vendredi sur la désormais célèbre place Tahrir du Caire, pour que les 250 000 manifestants, présentés par l’ensemble des médias comme luttant pour la liberté, laissent la place à une gigandesque foule de deux millions de musulmans, fous de guerre et de djihad.
    Plus de 2 millions d’Egyptiens chantent en coeur :
    ”Vers Jérusalem nous nous dirigeons, martyrs par millions.”
    a href=”http://www.youtube.com/v/BLM3CswkfQw”http://www.youtube.com/v/BLM3CswkfQw/a
    En bonus, le discours d’al-Qaradawi sous-titré en anglais
    “Un message à nos frères en Palestine: je nourris l’espoir que, tout comme Allah m’a permis de voir triomphe de l’Egypte, Il me permettra d’assister à la conquête de la mosquée Al-Aqsa (Jerusalem) et de prêcher dans la mosquée Al-Aqsa.”
    http://www.bivouac-id.com/billets/egypte-deux-millions-de-va-t-en-guerre-pour-le-djihad-sur-la-place-tahrir/

  10. Il est fort étonnant de constater que, se réclamant des philosophies des lumières et donc de la raison, la république française y fasse aussi peu appel dans tous ses actes…

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