A l’occasion du centenaire de la DRAC (à l’origine Droits du Religieux Ancien Combattant), nous avons interrogé son président Marc Levatois/
Pouvez-vous nous présenter la DRAC ?
Célébrant cette année son centenaire, la DRAC est née de la résistance à la décision du gouvernement Herriot de remettre en vigueur, à l’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches en 1924, les lois de proscription des religieux catholiques prises et mises en œuvre dans les premières années du XXe siècle par les gouvernements radicaux antichrétiens. Ces lois avaient été suspendues à la mobilisation générale de l’été de 1914 et des milliers de religieux étaient alors revenus d’exil pour se mettre au service de la défense de la patrie, soit en tant qu’infirmiers ou aumôniers, soit comme combattants, au prix de pertes énormes. Une Union sacrée des cœurs et des consciences avait ainsi été gagnée, en même temps que la victoire, dans les tranchées. Cette Union sacrée inspira la politique de la France avec l’évolution qui suivit la victoire, jusqu’à la rupture voulue par le gouvernement issu des élections de 1924. La DRAC (fondée comme Droits du Religieux Ancien Combattant) est née du combat – gagné – contre la reprise de la proscription des religieux au mépris de leur investissement héroïque dans la défense de la patrie.
Comment une association liée aux religieux ayant participé à la Grande Guerre peut-elle perdurer aujourd’hui ?
Il faut tout d’abord dire que le combat pour les droits des religieux anciens combattants de la Grande Guerre – et notamment leur droit à demeurer définitivement sur le territoire français qu’ils étaient venus défendre – a duré jusqu’à la Libération, où des négociations qui avaient commencé à la veille de la Seconde Guerre mondiale ont abouti à une abolition définitive des mesures d’expulsion du début du siècle, qui n’avaient auparavant été que suspendues (en 1914 puis, devant la résistance, en 1924). Ce combat dans la durée a marqué profondément la DRAC, comme l’attestent ses archives, exploitées par de jeunes historiens dont certains interviendront au colloque. Si les derniers combattants de la Grande Guerre ont depuis longtemps quitté cette terre, la défense de leur mémoire et de leur rôle dans la Victoire, qui apparaît comme une évidente et cinglante réponse aux accusations de manque d’investissement des catholiques dans la défense des intérêts de la patrie, quel qu’en soit le régime, continue à s’imposer. Il y a aussi, devant la perte des références à l’engagement (pour la patrie, dans le mariage mais aussi dans les vœux religieux qui en sont un archétype) un message positif à faire passer dans le monde d’aujourd’hui. C’est pourquoi la DRAC, toujours impliquée dans le monde combattant (comme le marquent son adhésion à la Fédération Maginot, FNAM, ou sa participation au cérémonies du ravivage de la flamme à l’Arc de Triomphe) a évolué dans le sens d’une promotion de la formation civique et morale, notamment vers la jeunesse. C’est le sens de la nouvelle explicitation de son sigle, qu’elle a modifié il y a une quarantaine d’années, au moment du décès des derniers religieux “poilus” : “Défense et Renouveau de l’Action Civique”.
La DRAC est née notamment de l’opposition frontale entre des religieux attachés à la Royauté sociale du Christ et des politiciens laïcistes. Aujourd’hui, on ne parle plus guère ni de laïcisme, ni de Royauté sociale du Christ. Ces notions ont-elles encore une pertinence?
La DRAC est née, en effet dans un climat de résistance aux mesures laïcistes antichrétiennes que voulait relancer le gouvernement Herriot en 1924, qui a vu naître aussi la Fédération Nationale Catholique, du général de Castelnau, et le journal France catholique, qui existe toujours et fête son centenaire aussi cette année. Historiquement, dans la relation au laïcisme, la naissance de la DRAC est aussi, en effet, contemporaine, à quelques mois de distance, en 1925, de la déclaration des cardinaux et évêques de France condamnant le principe de la loi de Séparation, ainsi que de l’encyclique Quas primas de Pie XI . Il faut toutefois noter que les lois d’expulsion des religieux, surtout en 1901 et 1903, ont été mises en œuvre dans une situation légale qui était encore – pour quelques mois certes – celle d’une reconnaissance officielle de la place de l’Eglise dans le cadre du concordat de 1801, aboli unilatéralement par la loi de Séparation de 1905. De plus, ce qui peut être paradoxal mais compréhensible dans la mesure où les lois d’expulsion des religieux visaient, légalement et administrativement, de façon exclusive les religieux catholiques, la DRAC est, dans sa structure initiale, une association de nature non confessionnelle. Elle est donc libre de mettre en avant, avec la défense de ce que représentent les religieux au service de la patrie en danger, un idéal chrétien au nom et au profit de la France. C’est le sens de la lettre ouverte du Père Doncœur, dont la publication, en octobre 1924, a marqué la naissance de la DRAC : “pour l’honneur de la France, nous ne partirons pas !”
Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce que la DRAC fait pour transmettre l’amour de la France et de l’Eglise à la jeunesse?
Très tôt, la DRAC a compris que le combat qu’elle menait – et qui n’a donc été définitivement gagné en droit qu’à la Libération – devait engager aussi la jeunesse et permettre en son sein une diffusion argumentée des principes qu’elle défendait. C’est en ce sens qu’a été créée, en 1926, la Coupe d’éloquence qui se déroule encore tous les ans et qui va donc bientôt fêter son centenaire. Destinée aux élèves des lycées, elle a vu ensuite la création d’une coupe féminine (puisque les premières compétitions étaient masculines) puis d’un concours écrit, pour les collégiens, qui prend ces derniers temps de l’ampleur. cette Coupe, destinée aux élèves d’écoles, privées, sous contrat et hors-contrat, et publiques, est aussi ouverte à des candidats libres. Elle permet, tous les ans, de voir émerger une élite d’éloquence et de convictions dans la jeunesse, qui donne un grand espoir dans l’avenir C’est actuellement l’activité-phare de la DRAC, à partir de laquelle nous voudrions redéployer son action. Dans la ligne du centenaire et du manifeste du P. Doncœur, le sujet de la Coupe 2024 portait sur l’honneur ; celui de la Coupe 2025 portera sur le silence, autre thème à contre-courant d’une certaine déréliction ambiante. La prochaine finale de la Coupe aura lieu le dimanche 23 mars à Paris. Ce sera le grand événement suivant le colloque du 16 novembre. On peut suivre les activités de la DRAC et visionner des enregistrements des finalistes de la Coupe d’éloquence sur son site : /www.drac-ligue.org
Renseignements sur le colloque du 16 novembre
ici.
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