Editorial de Yann Le Coz dans la revue de l’AFS :
En mai 2021, un an avant la visite pastorale de François au Canada, la révélation d’un “scandale” enflammait les médias internationaux : l’Église en était l’accusée. En 2025, tout tombe à l’eau, sans rectification des médias de grand chemin ou des politiciens exploiteurs de la veine. C’était l’affaire des “pensionnats autochtones”.
• La fausse fosse
Un radar à pénétration de sol avait permis, était-il affirmé, la découverte sous terre d’une fosse contenant les corps de 215 écoliers à proximité d’un pensionnat autrefois tenu par des religieux catholiques canadiens. Quelques semaines plus tard, était annoncée la découverte de quelques 700 tombes anonymes près d’un autre pensionnat… Aussitôt, dans une déclaration télévisée, Justin Trudeau, alors chef du gouvernement, avait déclaré :
Je demande aux catholiques à travers le pays de parler à leurs prêtres, de parler à leurs évêques, de passer le message qu’il est temps que l’Église catholique reconnaisse sa responsabilité, sa part de culpabilité.
Il n’en fallait pas plus pour que l’hallali soit sonné. L’Église était coupable de crimes : « extinction culturelle des autochtones », « rapt des enfants amérindiens », « fosses communes de la honte », « génocide culturel »… Dans la foulée, s’ensuivirent incendies d’églises et vandalisme contre le patrimoine catholique. Si bien qu’un an plus tard, la visite pastorale de François devint, sous la férule de Trudeau, un parcours “repentance” auprès des familles des disparus et des anciens des pensionnats pour des crimes sans réalité. En effet le gouvernement canadien a mis fin le 31.03.2025 au financement du National Advisory Committee mis en place par Trudeau pour enquêter, après une dépense en trois ans de plus de 200 millions de dollars. Ni charnier, ni fosse commune….
Des précisions sont ici nécessaires pour des lecteurs européens, qui n’ont peut-être pas entendu parler de cette nouvelle charge lancée contre l’Église que lorsque les médias de grand chemin ont vu l’occasion de la salir une fois de plus.
• En finir avec le problème indien
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le gouvernement canadien d’Ottawa mit en œuvre une politique d’assimilation forcée des populations indigènes. L’éducation fut choisie pour en être une des voies privilégiées ; confiée aux institutions religieuses, leurs pensionnats (Residential schools) accueillirent les enfants amérindiens au nom de l’État, qui en assurait le financement. En quelques 130 ans, près de 150 000 enfants furent accueillis dans les établissements religieux des provinces. Pour les autorités religieuses, il s’agissait, en christianisant, de faciliter l’accès à la société eurocanadienne aux amérindiens (inuits, métis). Selon les autorités publiques canadiennes, l’éducation permettait de régler le problème indien, objectif brutalement énoncé par Duncan Campbell Scott en 1920, qui pensait ainsi “tuer l’Indien au cœur de l’enfant”. Bien des voix catholiques s’étaient insurgées au XIXe siècle contre le fait de retirer les enfants de leurs familles. Mais, ainsi que l’écrit un de nos correspondants québécois, en les coupant ainsi de leur culture et de leurs traditions, « le Canada a contrevenu à la loi naturelle en forçant l’acculturation des enfants. L’Église n’a pas considéré l’importance de maintenir l’attache à la culture autochtone et cela s’est retourné contre elle. »
Par ailleurs, le gouvernement fédéral, par un sous-financement, de plus sporadique, établi en fonction du nombre d’élèves, encouragea le gonflement des effectifs avec les conséquences inévitables sur les conditions de vie des enfants. Au point que :
En 1907, le Dr Peter Henderson Bryce, médecin hygiéniste en chef du Canada, soumet un rapport au ministère des Affaires indiennes (souvent appelé “Rapport Bryce”, mais officiellement “Report on the Indian Schools of Manitoba and the North-West Territories”), qui révèle que les conditions de vie insalubres et surpeuplées dans les pensionnats promeuvent la prolifération des maladies. C’est notamment le cas de la tuberculose, qui tue de nombreux élèves autochtones. Malgré ces révélations-chocs, Duncan Campbell Scott ignore le Rapport. En 1920, il modifie la Loi sur les Indiens pour forcer tous les enfants autochtones de 7 à 15 ans à fréquenter les pensionnats autochtones.
• Leçons d’un montage politico-médiatique
“L’affaire des pensionnats autochtones” et du traitement des populations indigènes ne date pas d’aujourd’hui. Depuis la fin du siècle dernier, les autorités tant politiques que religieuses avaient fait amende honorable, reconnaissant des erreurs et des pratiques qu’aujourd’hui on ne peut comprendre et accepter. Mais il semble bien qu’elle ait été pour Trudeau l’occasion de masquer bien des difficultés personnelles – qui expliqueraient son récent départ – en faisant porter à l’Église les conséquences d’une décision qui était du ressort de l’État canadien.
À partir d’un événement d’importance réelle, l’affaire des pensionnats aujourd’hui est une remarquable orchestration de tous les procédés de désinformation et propagande. Malheureusement, François, en battant la coulpe de ses prédécesseurs, a joué le rôle de caisse de résonance au mensonge et à la calomnie, à la grande joie des ennemis de l’Église.
Ainsi que le note le correspondant québécois :
La réalité est que nous avons une population qui peine à se retrouver sur le plan identitaire (…). Les protestants ont continuellement cherché à diviser le pays, voire à détruire les identités catholiques et autochtones (…). Le Canada se trouve donc toujours avec son incapacité à unir les divers peuples sous une bannière, ce que seule l’Église peut faire.
Cela ne paraît pas possible aujourd’hui !
Pour l’heure, aucune repentance envers l’Église n’est en vue de la part du successeur de Justin Trudeau, Mark Carney, nouveau chef du gouvernement. Pourtant, malgré les erreurs qui ont pu être faites, les témoignages des services qu’elle a rendus sont innombrables. Mais les médias de grand chemin n’en parleront pas, aveuglés par l’idéologie ou la paresse d’y voir de plus près.
Yann Le Coz