Dans la Légion étrangère (mais pas seulement…) :
Nous sommes désormais tous habitués à l’éclatement régulier des sections et compagnies. Cependant, si elles éparpillent géographiquement les hommes, nos missions fragmentent les unités, diluent parfois le sentiment d’appartenance et bousculent les liens hiérarchiques qui ont, chez nous, une grande importance. En effet, au gré des activités, les légionnaires changent de chefs, d’équipe, de peloton, de section, de compagnie, de régiment. Cette dispersion des cellules de travail et des unités tout au long de l’année rend plus indispensable encore le besoin de se rassembler autour de ce qui nous est précieux et de retrouver régulièrement ses repères. Noël est l’un de ceux-là.
C’est ainsi que chaque année, au début du mois de décembre, la Légion se rassemble : elle prépare Noël, fête de famille, fête de la fraternité, fête de la confiance en l’avenir.
Au quartier, en opération, en mission, on réfléchit à la forme que prendra la crèche dont le projet reste secret, on spécule sur le gagnant du challenge sportif, on s’invite mutuellement et on célèbre quoi qu’il arrive le moment annoncé et désiré depuis plusieurs jours. Au milieu des dernières activités de l’année, on voit venir cette pause aux accents de fête. La magie commence avec les premiers jours de décembre.
Chaque année, au moment de Noël, la Légion étrangère converge. Quelle que soit leur nationalité ou leur religion, les légionnaires trouvent en Noël l’esprit et les rites d’une fête de famille française traditionnelle. Fête de famille car tout le monde est là, sans exception, quel que soit le grade : c’est bien la famille choisie qui a les faveurs de tous, ce soir-là. Famille traditionnelle française, car pour l’étranger qui est venu chercher l’exil en échange du service des armes de la France, il n’est de meilleur refuge pour l’âme et l’esprit qu’une part de culture intime et familiale de notre pays. Chaque crèche, véritable conte de Noël en son et lumière, est un projet collectif autour duquel les talents des légionnaires se révèlent et s’unissent. “Force les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères”, nous rappelle avec insistance la leçon la plus connue du Citadelle d’Antoine de Saint-Exupéry. Bien sûr, une crèche à réaliser n’est pas le tunnel de Foum Zabel à percer ou la route de Tizi-N’tichka à construire, mais la démarche est la même : répartition des rôles, révélation des talents, fi erté commune, souvenirs de moments qui unissent entre camarades.
Noël, fête légionnaire emblématique
Noël rassemble parce que les activités préparatoires et la veillée de Noël, passées dans le huis-clos de la fraternité d’armes, chassent la sombre tentation de la solitude et apportent leur part de bienveillance. C’est le chef de corps qui amnistie, le capitaine commandant qui offre un cadeau, le chef de section qui écoute plus qu’il ne parle, le chef de groupe qui guide et conseille. La discipline, sans se relâcher, se fait moins formelle et subtilement plus discrète au fur et à mesure que s’avance la veillée, révélant les hommes au-delà du galon et offrant à chacun l’occasion de raconter, d’évoquer, d’oublier, de s’épancher. Les griefs sont moins lourds quand ils sont dits tout haut.
Noël, fête légionnaire emblématique : il y a trente ans exactement, le général Le Corre rappelait “ que ce n’était pas le hasard qui avait imposé cette coutume à notre communauté comme l’un des temps forts de sa vie, mais la force des liens qui unissent tous ses membres, cadres et légionnaires ”. Rien n’est plus vrai aujourd’hui.
Je vous souhaite un très joyeux Noël 2018, où que vous soyez, seul ou entre camarades. Que cette fête de Noël vous apporte la joie de célébrer avec ferveur la solidarité légionnaire. J’associe à ces souhaits nos blessés, nos anciens ainsi que nos familles et tous ceux qui, bien que loin de la Légion étrangère, gardent le souvenir des bienfaits de ce moment unique d’unité et de fraternité.
Par le Général de brigade Denis Mistral
commandant la Légion étrangère