Du père Danziec dans Valeurs Actuelles à propos du débauchage de Rachida Dati par la macronie :
« Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. » Cet argument facile, décoché en cour de récréation, finit toujours par perdre de sa superbe. En grandissant, la maturité aidant, on réalise que la sentence ne cherche qu’à masquer le mal-être de ceux-là même qui se comportent en girouettes. “Rester fidèle” ne signifie pas tant, cependant, de “rester figé”, au sens de “camper sur ses positions”. La fidélité n’a rien de statique, au contraire sa vocation est de transporter l’âme. “Vivre fidèlement” signifie avancer en cohérence avec ses principes.
Très vite les commentateurs, en évoquant le casting du dernier gouvernement avec notamment la prise remarquée de Rachida Dati à droite, ont parlé d’un “joli coup”. Voilà la réalité spectacle de la politique lorsqu’elle perd en noblesse et en profondeur. François-Xavier Bellamy voit juste lorsqu’au micro de France Inter, il affirme :
« Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de savoir d’où viennent les ministres nommés par Emmanuel Macron mais de voir où ils vont et où ils emmènent le pays. C’est cela qui compte. »
La cause finale, « première dans l’intention et dernière dans la réalisation » selon la formule d’Aristote, possède en effet toute son importance. Elle est capitale. Or la finalité d’une politique se trouve étroitement liée à la fidélité aux principes qui la dirigent. Pour l’élu philosophe, ce qui s’avère terriblement désolant, c’est justement
« la confusion permanente que tout cela crée. L’écœurement que les citoyens doivent ressentir quand ils entendent les responsables publiques faire le contraire de ce qu’ils ont dit pendant des années. »
Assurément, la fidélité n’est pas seulement question de morale, elle est affaire de sécurité. Elle garantit la tenue d’un cap. Parce que la vertu de fidélité confronte chacun aux aléas du temps et de la durée, elle est gage d’assurance. Pour saint Thomas d’Aquin, elle est la vertu de la mémoire et ses deux petites sœurs sont la constance et la persévérance. A propos de mémoire, celle des réseaux sociaux est implacable. Peu après sa nomination, les archives d’interview politique de Rachida Dati livraient leur pesant d’ironie. En juin 2021, elle déclarait notamment : « En Marche, c’est quoi ? Des traîtres de gauche et des traîtres de droite. » Ce à quoi Bellamy répondra
: « Moi, je pense du macronisme la même chose que Rachida Dati avant qu’elle ne reçoive un coup de fil hier. C’est-à-dire que le macronisme, c’est la contradiction permanente qui se dissimule derrière le “en même temps” et qui emmène la France dans le mur. »
Si le ridicule ne tue plus, l’inélégance de l’infidélité continue d’abîmer le commun des mortels. « Moi c’est moralement que j’ai mes élégances », clamait Cyrano avant son duel. L’enseignement socratique a pris quant à lui toute son épaisseur lorsque le maître de la maïeutique a préféré boire la ciguë plutôt que de renoncer à ses convictions. « Prenez garde à ceci que le difficile n’est pas d’éviter la mort mais bien d’éviter de mal faire. Le mal, voyez-vous, court après nous plus vite que la mort », dira-t-il à ses juges.
Emphases inutiles, punchlines faciles, buzz immédiat pour ensuite se contredire ? A quoi tout cela nous mène ? La société actuelle a pris l’habitude de se moquer de la fidélité comme de sa première chemise. C’est pourtant l’une des vertus qui permet à chacun de se construire. Mur porteur qui empêche de déserter son idéal comme le soulignait le Général Mac Arthur dans son texte fameux Etre jeune :
« On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années : on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme. »
Deux ans avant son rappel à Dieu, fin novembre 2011, Hélie de Saint-Marc était fait Grand-Croix de la Légion d’honneur à l’âge de 89 ans par le président de la République Nicolas Sarkozy. Avec la hauteur de vue que lui donnait la sagesse d’une vie cabossée et fidèle, il commentera ainsi ce geste non sans humour : « La Légion d’honneur, on me l’a donnée, on me l’a reprise, on me l’a rendue… » La mystique de la fidélité finit toujours par payer. Dans ce monde ou dans l’autre. Tout comme la trahison. Mais les traîtres l’oublient souvent. Hélas.