Entretien du Père Georges Fattal, supérieur des Salésiens à Alep, avec l'Oeuvre d'Orient :
"Quelle est la situation pour les Chrétiens d’Alep ?
Elle est assez variable mais elle est toutefois sensiblement meilleure qu’au moment de Pâques où les quartiers chrétiens ont été directement visés par les terroristes avec des missiles ! Mais il y a toujours de trop nombreux bombardements et les habitants de la ville sont terrifiés, beaucoup sont d’ailleurs partis, 600 familles depuis Pâques. Beaucoup espèrent revenir rapidement, si la situation le permet mais ils ne pouvaient plus supporter cette situation. Personne ne sort des maisons après la tombée de la nuit, certains ont perdu leurs maisons lors des bombardements de Pâques, beaucoup n’ont plus de travail… Au-delà de la situation sécuritaire, les habitants ont de très nombreux problèmes liés à cette guerre interminable : nous sommes réellement épuisés. Les cathédrales grecque catholique, arméniennes catholique et orthodoxe, maronite, sont quasiment en ruines et les quartiers sont donc vidés : on cherche actuellement des places pour reloger les familles.
L’hémorragie est terriblement douloureuse pour nous, et beaucoup compte encore partir après les examens scolaires de fin d’année… Comment les retenir ? Quand cela va-t-il finir ? C’est la seule question que nous nous posons, nous n’attendons que ça. En attendant, nous continuons notre travail auprès de tous ceux qui sont restés et qui ont plus que jamais besoin de notre aide et de notre espérance.
Comment les aidez-vous ?
Nous aidons certaines familles à se reloger lorsque leurs maisons sont détruites ou qu’elles ont du fuir leurs quartiers. Nous sommes également très attentifs à tous les jeunes de la ville, cette guerre est difficile pour eux parce qu’il est devenu vraiment compliqué de s’occuper…
Nous avons eu vendredi 15 mai une très belle journée avec les familles. Voyez, il en reste ! Nous étions plus de 1000 et c’était l’occasion d’entendre les gens nous remercier de leur avoir offert un peu de joie au cœur de cette période terrible. Ca a d’ailleurs été l’occasion pour nous d’utiliser pour la première fois le générateur offert par SOS Chrétiens d’Orient ! Le 29 juin, nous aurons une grande journée avec tous les jeunes de la ville que nous allons déjà visiter dans les lycées d’Alep.
Nous prévoyons aussi des camps d’été pour des centaines d’enfants dès le mois de juillet, et certains animateurs seront d’ailleurs Français puisque SOS Chrétiens d’Orient nous aide à les organiser. Notre but premier est de soulager un peu ces enfants ou jeunes qui vivent une guerre bien trop atroce pour eux. La grâce des prières qui supplient pour Alep depuis le monde entier est réelle : les chrétiens continuent à venir prier malgré les risques que cela comporte parfois, notre espérance est intacte et nous n’avons pas peur lorsqu’il s’agit de prier.
Il y a certes des familles qui sont parties, mais beaucoup restent et refusent catégoriquement de quitter Alep : cette terre est aussi la nôtre et nous comptons bien y rester.
Les enfants vont-ils encore à l’école ?
Oui, l’immense majorité continue à aller à l’école même si elles sont détruites : nous avons ouvert beaucoup de salles paroissiales pour que ces enfants ne perdent pas plusieurs années dans leur scolarité. On se débrouille et ils sont pris en charge. Les enfants se partagent entre les écoles du gouvernement, celles des maristes et les salles que nous mettons à disposition dans la ville. Nous avons vraiment mis en place des systèmes parallèles pour contourner les difficultés de la guerre : nous continuons à vivre. Mais il est vrai aussi que les Aleppins ne supportent plus de quitter leur maison le matin sans savoir s’ils reviendront vivants le soir.
Il faut prier parce que nous n’en pouvons plus. Honnêtement, c’est un miracle que nous attendons : la paix qui suppose un changement de mentalités de très nombreux acteurs de ce conflit. Nous subissons le terrorisme de combattants étrangers, quelle injustice ! Tout allait bien avant cette guerre, nous voulons retrouver la vie que nous menions il y a encore cinq ans.
Que faire depuis la France ?
La France peut beaucoup pour nous : il faut qu’elle commence par écouter les Syriens. Nous voulons que les armes et les combattants cessent d’arriver en grand nombre dans notre pays. Ces terroristes utilisent des armes très modernes, d’où viennent-elles ? Cela suffit maintenant ! Il faut élever la voix pour réclamer la paix pour la Syrie, partout où vous le pouvez : les Syriens ne veulent rien d’autre. Nous vivions sereinement en Syrie, musulmans et chrétiens, c’est une réalité. Votre aide matérielle et spirituelle nous est indispensable, merci ! Transmettez ce message à vos dirigeants : laissez les Syriens tranquilles, nous savons mieux que personne l’avenir que nous voulons. Et rien ne se fera sans obtenir premièrement la paix.
