Lu dans Monde & Vie :
"L’affaire la plus symbolique de la « judiciarisation » de la médecine reste la bataille qui s’est livrée autour de l’arrêt Perruche, qui introduisit le « préjudice d’être né ». Sa mère ayant contracté la rubéole pendant sa grossesse, Nicolas Perruche naquit sérieusement handicapé. Les parents attaquèrent le médecin et le laboratoire d’analyse en les accusant d’avoir commis une faute en ne diagnostiquant pas la rubéole, ce qui aurait conduit la mère à avorter. Une bataille judiciaire aux multiples rebondissements s’engagea alors, au terme de laquelle la cour de cassation donna raison aux parents. Devant le tollé suscité par cette décision, l’Assemblée nationale vota en 2002 une loi « anti-Perruche », qui, défendue par le ministre de la Santé Bernard Kouchner, interdisait d’être indemnisé pour le préjudice d’être né. Cette loi valut à la France d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui se prononça contre la rétroactivité de la loi anti-Perruche, mais n’en discuta pas le bien-fondé.
D’autres types de préjudices n’en sont pas moins venus s’ajouter à celui de la naissance, comme le préjudice d’agrément qui permet à la fratrie d’un enfant né handicapé de demander une indemnisation, ou le préjudice sexuel si l’enfant est empêché d’avoir une vie sexuelle. En quatre années, de 2006 à 2009, 4000 sinistres, soit un millier par an ont donné lieu à des indemnisations supérieures à 15 000 euros. Le dédommagement moyen s’est élevé à 155333, dans 60 % des cas et 13 dossiers ont été soldés à plus d’un million d’euros (6,65 millions d’euros pour la plus forte condamnation). Or les assurances ne couvrent ce type de sinistres qu’à hauteur de 500000 euros. Sur cet ensemble, les erreurs médicales proprement dites ne représentent que 27 % des cas. Les obstétriciens et les laboratoires se considèrent particulièrement visés et l’on risque de manquer de médecins accoucheurs d’ici 10 ans, les internes évitant cette spécialité."