Suite de l’article de Jacques Duverger (partie 1) :
4. Norme contraceptive, interceptive, contragestive
Il nous faut ici bien différencier la pilule contraceptive des autres pilules dites « du lendemain » ou « du surlendemain ».
Si elle se veut « une norme de fait », la contraception doit assumer « une solution de rattrapage face aux échecs de contraception » (rapport IGAS, p. 37) : « Oubli de pilule, rupture de préservatif, rapport imprévu non protégé… diverses circonstances exposent au risque d’une grossesse non désirée. Dans ces cas, où la prévention primaire que constitue la prise d’une contraception régulière a été mise en échec, la contraception dite d’urgence constitue une solution de rattrapage qui s’apparente à une forme de prévention secondaire, et permet d’éviter le recours éventuel à l’interruption volontaire de grossesse. La forme la plus connue de la contraception d’urgence est la « pilule du lendemain ». Actuellement seules deux spécialités contenant du lévonorgestrel dosé à 1,5 mg sont commercialisées (Le Norlevo et, depuis 2007, le Lévonorgestrel-Biogaran). Conditionné et administré sous forme d’un comprimé en prise unique, le lévonorgestrel empêche la nidification de l’embryon dans la paroi utérine quand le rapport a été fécond. Il doit être pris dans les 72 heures qui suivent un rapport non ou mal protégé. Son efficacité est d’autant meilleure qu’il est pris précocement après le rapport. »
Le laboratoire HRA Pharma[1] (passé sous le contrôle du fond d’investissement Astorg Partner en 2016[2]) qui fabrique le Norlevo déclarait en commercialiser plus de 1 200 000 boîtes en 2006 (rapport IGAS, p. 43).
Le fonctionnement de la pilule du lendemain est différent de celui de la pilule. Le principe actif du lévonorgestrel est de créer une tempête chimique qui perturbe les communications chimiques entre l’embryon qui veut s’implanter et le tissu endométrial de la mère. Cette perturbation des intégrines, ces hormones de communication, brouille le dialogue chimique embryon-mère et provoque un avortement en phase pré-implantatoire. Elle perturbe les communications par les intégrines qui permettent à l’embryon de se nider dans la muqueuse de l’endomètre.
La pilule du lendemain fait appel à une technique interceptive. On n’observe pas de modification de l’endomètre si la femme n’est pas déjà sous pilule. Le temps est trop court pour faire cette observation.
Dans une publication[3] de juillet 2013, les docteurs Justo Aznar et Julio Tuleda de l’observatoire bioéthique de l’Université catholique de Valence font une synthèse des études s’intéressant à l’action du lévonorgestrel, plus communément appelé contraception d’urgence, contraception post-coïtale ou pilule du lendemain. Son nom commercial est le Norlevo ; son nom scientifique ou le principe actif est le lévonorgestrel, nom utilisé en mode générique.
En passant en revue une soixantaine de publications internationales sur le sujet, ils mettent en évidence le mécanisme abortif de l’action du lévonorgestrel dans un certain nombre de prises possibles. En fonction du jour de prise par rapport à l’ovulation, l’effet peut être anovulatoire ou interceptif, c’est-à-dire abortif d’un embryon en phase préimplantatoire.
La Haute Autorité de Santé dans son rapport Contraception d’urgence : Prescription et délivrance à l’avance[4] d’avril 2013 confirme (p. 25) que le nombre de pilules du lendemain vendues a plus que doublé en 10 ans, passant de 570 000 en 2000 à 1 200 000 en 2010. L’augmentation semble cependant avoir atteint un plateau depuis 2009.
En posant l’hypothèse d’un effet abortif dans 20% des prises de pilules du lendemain, on approche un nombre d’avortement en phase préimplantatoire de 240 000. La mentalité contraceptive et la contraception de masse provoquent des avortements de masse.
Pour donner une autre échelle de grandeur, il est utile de souligner que le Norlevo[5] (1500 μg de lévonorgestrel) contient 50 fois la dose de lévonorgestrel contenue dans la pilule Microval[6] (30 μg).
Pour terminer sur la misère contraceptive française, il nous faut parler du dernier filet/verrou de la norme contraceptive, les pilules du surlendemain EllaOne (Acétate d’ulipristal, 30 mg) et RU486 (mifépristone, 600 mg). L’effet abortif de ces pilules est mieux connu. Il s’agit d’anti-progestatifs qui bloquent les communications hormonales entre l’embryon déjà nidé et le tissu endométrial, provoquant la mort de l’embryon qui ne peut plus se développer.
5. Le regard de la démographie historique
L’étude de démographie historique The Decline of Fertility in Europe since the Eighteenth Century d’Ansley Coale (Princeton, 1986) s’intéresse à la fécondité des Françaises comparée à celle des autres populations d’Europe à partir des années 1750. Elle nous rappelle un enseignement bien connu des démographes et historiens des XVIIIème et XIXème siècles. La fécondité des Françaises chute dès la Révolution. Cette révolution démographique, qualifiée de « transition » démographique, se produit près d’un siècle avant les autres pays européens.
Cette comparaison met en évidence une mentalité et une pratique contraceptives qui se répandent massivement en France dès la fin du XVIIIème. Vers la fin de l’Ancien Régime, la fécondité des Françaises se rapproche encore de la fécondité des Huttérites, population de référence pour l’indice de fécondité naturelle maximale. Si les Anglais ont théorisé la mentalité et la pratique contraceptives avec le malthusianisme, c’est bien la France révolutionnaire qui a été la grande praticienne de la contraception[8].
Vers 1750 les taux de fécondité des femmes françaises et allemandes[9] sont voisins. Elles ont entre 5 et 6 enfants en moyenne. Mais dès la fin du XVIIIème, la limitation des naissances se répand en France et la fécondité recule de 5,4 enfants par femme dans la décennie 1750 à 4,4 dans la décennie 1800, avant de descendre à 3,4 dans la décennie 1850. L’Allemagne, elle, maintient son taux de natalité jusqu’à la fin du XIXème (Source INED, Population & Société, Mars 2012, France-Allemagne : histoire d’un chassé-croisé démographique).
On comprend mieux le lien entre le phénomène révolutionnaire et le développement de la mentalité contraceptive : « La révolution est l’application politique de l’incroyance » (Groen Van Prinsterer).
Cette mentalité contraceptive trouvera une traduction politique lorsque la pilule sera mise au point.
De Gaulle, pourtant réticent au départ, en sera le promulgateur. S’il déclarait en 1965 à Alain Peyrefitte : « La pilule ? Jamais ! (…) On ne peut pas réduire la femme à une machine à faire l’amour ! (…) Si on tolère la pilule, on ne tiendra plus rien ! Le sexe va tout envahir ! (…) C’est bien joli de favoriser l’émancipation des femmes, mais il ne faut pas pousser à leur dissipation (…) Introduire la pilule, c’est préférer quelques satisfactions immédiates à des bienfaits à long terme ! Nous n’allons pas sacrifier la France à la bagatelle ! », il finira par l’autoriser en 1967 sous l’influence de sa femme et de Lucien Neuwirth.
Évelyne Sullerot, co-fondatrice du Planning familial en France, résume l’enjeu : « la véritable révolution de mai 68 est la dissociation de la sexualité et de la procréation » (La Croix, 3 mai 2008).
Pierre Simon, ancien président de la Grande Loge de France, le disait à sa façon dans son maître ouvrage de 1979, De la vie avant toute chose : « Pour inverser une formule célèbre : nous avions gagné la guerre (sur la contraception), il ne nous restait qu’à livrer une bataille (sur l’avortement) ».
6. Une génération de survivants
Le chercheur et psychiatre Philip G. Ney, fin analyste du syndrome des survivants[10] dans les sociétés pratiquant l’avortement, écrivait dans un article publié en 1998, A Consideration of Abortion Survivors[11] : « Depuis des temps immémoriaux, il était tabou de s’attaquer à une personne sans défense, blessée ou à celle qui porte la vie. Même en temps de terrible agression déchaînée ou de guerre, attaquer des enfants était une atrocité. Aujourd’hui, la société sanctionne légalement et paie pour la destruction, à grande échelle, de la vie sans défense. Ce tabou a été brisé par tant de personnes qu’elles ont une réaction réprimée pour protéger les enfants à naître et les nouveau-nés. La rupture de ce tabou ne suscite plus de protestation sociale. Face à une menace qui peut mettre en danger l’espèce, la société est devenue de plus en plus passive et inefficacement permissive.
Il est prouvé que dans les pays où les avortements sont libres depuis longtemps, la croissance négative de la population n’est pas arrêtée par une restriction des lois sur l’avortement. (…) Même lorsque des incitations financières ont été utilisées dans les pays communistes, le désir d’avoir des enfants diminue. La survie de notre espèce pourrait être menacée car l’avortement interrompt la mutualité parent-enfant et dévalorise les enfants.
Avec la mise au point de prostaglandines, le souhait de certaines féministes s’est réalisé. Chaque femme peut désormais pratiquer son propre avortement à domicile et le tenter à n’importe quel stade de la grossesse. Il y aura de nombreuses complications médicales, mais plus encore de troubles psychiatriques découlant du conflit impossible d’une femme essayant de décider si elle doit jeter le nourrisson vivant qui se débat dans les toilettes ou se précipiter à l’hôpital pour le réanimer.
Si environ 50% des femmes en âge de procréer se procurent des avortements, cela signifie probablement que 50% des hommes fertiles contraignent les femmes ou sont de connivence avec l’avortement. Lorsque les avortements sont pratiqués sous les draps chirurgicaux par un professionnel, la plupart des gens peuvent croire qu’il ne s’agit que d’un « tissu ». Lorsque les gens subiront des avortements à la prostaglandine chez eux, ils verront que ce qu’ils viennent d’achever a vraiment l’air humain. Les conflits intenses, l’ambivalence et le chagrin peuvent affecter la santé des parents et influencer la façon dont ils interagissent avec leurs enfants survivants. »
7. Jusqu’à la troisième et la quatrième génération
La reconstitution transgénérationnelle des conflits non résolus résultant d’un traumatisme est un mécanisme d’adaptation par lequel l’esprit force l’individu à affronter le problème subconscient. Or la mentalité contraceptive et sa logique abortive ont construit un subconscient de survie et de sacrifices humains profondément incrusté dans le psychisme des nouvelles générations. Le nombre d’avortements dans le monde est en constante augmentation, et il y a maintenant des millions d’enfants qui ont survécu à l’avortement d’un frère ou d’une sœur. Il est de plus en plus évident que même les très jeunes enfants peuvent être au courant des avortements maternels, malgré les tentatives de la famille de maintenir le secret[12]. Les faits sont d’une telle ampleur qu’on parle d’aborted sibling factor, de facteur de la fratrie avortée
Philip G. Ney rappelait qu’ « il existe une corrélation significative entre la femme (ou son partenaire) ayant avorté sa première grossesse et sa mère (ou celle de son partenaire) ayant avorté sa première grossesse. Il existe des corrélations significatives entre le sujet (ou le partenaire du sujet) qui a interrompu sa première et sa deuxième grossesse et sa mère (ou celle de son partenaire) qui a interrompu sa première et sa deuxième grossesse. Nous avons constaté que les femmes dont la mère a avorté ont tendance à avorter elles-mêmes. Le nombre total d’avortements pour le sujet ou le partenaire du sujet présente la meilleure corrélation avec la négligence pendant l’enfance et les avortements de leurs mères. Kent, Greenwood et Nicholls[13] ont constaté que les femmes qui avortaient réalisaient souvent le souhait inconscient de leurs parents de les faire avorter. »
Cette intense guerre chimique, guerre hormonale, livrée aux femmes et à leur corps se double d’un autre bombardement, celui-ci mental et culturel au travers des programmes de l’Éducation nationale qui dès la puberté superposent les méthodes contraceptives à la présentation du cycle sexuel féminin.
Ce conditionnement n’est pas que théorique puisque depuis décembre 2000 la loi sur les modalités de la délivrance de la contraception d’urgence par les infirmeries scolaires aux élèves mineures et majeures – œuvre législative personnelle de Ségolène Royal – stipule que la pilule du lendemain n’est plus soumise à prescription médicale. Lorsque la jeune femme est mineure, le consentement parental est supprimé. Les infirmières scolaires acquièrent le droit de l’administrer. Lorsque les établissements scolaires sont fermés, les pharmaciens sont obligés de la délivrer gratuitement aux mineures. Dans ce contexte, le nombre de boîtes délivrées aux mineures est en constante augmentation (en 2009, plus de 305 000).
On constate en parallèle une augmentation du nombre d’IVG chez les mineures. Le Rapport d’information sur l’application de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’IVG et à la contraception[14] de la députée UMP Bérengère Poletti publié en 2008 déclare (p. 9) : « Le développement de la contraception d’urgence n’a donc pas eu d’impact significatif sur le recours à l’IVG. En effet, chez les mineures de 15 à 17 ans le recours à l’IVG croît régulièrement : + 8,9 % par rapport à 2005. ».
Ce lavage de cerveau sera consolidé auprès des étudiants par la mise en place en 2009 du Pass contraception par la même Ségolène Royal.
Nous récoltons ainsi les fruits d’une longue déconstruction de la métaphysique et de son inséparable morale biblique. L’abolition de la pensée complexe et téléologique a favorisé le développement d’une vision tronquée du corps, incapable d’articuler sexualité et procréation sur le même plan. La réduction du corps et de sa biologie, lieu de la procréation, à une topologie infrahumaine, offre un champ d’expérimentation à la technologie. La technique intervient alors comme un moyen de libération de la chair, la sexualité étant vue principalement comme un simple espace de jouissance. Dans ce contexte, les méthodes de régulation naturelle des naissances, non pas méthodes biologiques, mais méthodes naturelles au sens d’être ordonnées à la nature de l’homme, deviennent non seulement inaudibles mais répulsives – infrahumaines. La maîtrise de son corps par la technique remplace la maîtrise de soi par l’éducation.
La mentalité contraceptive devient ainsi le verrou fondamental de la pensée anti-généalogique.
En étudiant la naissance et la mort de 86 civilisations dans son étude magistrale de 1934, Sex and Culture[15], l’anthropologue social Joseph D. Unwin (1895-1936) nous permet de construire une perspective sur l’onde de choc transgénérationnelle de cet embryocide chimique.
Les relâchements de la morale sexuelle déploient l’intégralité de leurs effets décadents au bout de trois ou quatre générations. La première génération amorce les premiers changements mais ils sont ralentis par l’inertie culturelle de la génération précédente qui continue d’exercer son influence morale et traditionnelle. Les changements s’accentuent, se confirment et se renforcent à la deuxième génération, mais c’est à partir de la troisième génération que les freins moraux sont vraiment affaiblis. Les changements de morale sexuelle réalisent leur pleine potentialité à la troisième et quatrième génération et aboutissent à un effondrement social, cet effondrement intérieur laissant place à une autre société conquérante plus disciplinée.
Si nous situons la première génération à celle des années 1965-1970, nous avons la deuxième génération autour de 1990-1995, la troisième en 2015-2020 et la quatrième à horizon 2040-2045. Ce que nous vivons est donc bien une crise historique majeure, celle de notre société qui s’effondre.
[1] https://www.hra-pharma.com/about-us/leadership
[2] https://capitalfinance.lesechos.fr/deals/lbo/hra-pharma-sallie-a-astorg-partners-et-a-goldman-sachs-111780
[3]https://www.researchgate.net/publication/256706596_Comment_on_the_decision_of_the_german_bishops_regarding_the_use_of_emergency_contraception_in_rape_victims/
[4] https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2013-04/contraception_durgence_-_argumentaire_2013-04-30_14-24-25_321.pdf
[5] https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/norlevo-12745.html
[6] https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/microval-6137.html
[7] New Estimates of Nuptiality and Marital Fertility in France, 1740-1911, David R. Weir, Population Studies, Vol. 48, No. 2 (Jul., 1994), pp. 307-331 (25 pages).
[8] https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18719/pop_et_soc_francais_346.fr.pdf
[9] https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19155/487.fr.pdf
[10] https://www.heartbeatservices.org/pdf/Post-Abortion_Survivor_Syndrome.pdf
[11] http://www.mattes.de/buecher/praenatale_psychologie/PP_PDF/PP_10_1_Ney.pdf
[12] Anita H. Weiner & Eugene C. Weiner, The aborted sibling factor: A case study, Clinical Social Work Journal volume 12, pages209–215(1984)
[13] Kent I, Greenwood RD, Nicholls W. Emotional sequelae of elective abortion. BC Med J 1978.
[14] https://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i1206.pdf
AFumey
Ce qui est très parlant avec ces courbes démographiques c’est le constat que le contrôle des naissances (naturel donc) n’a pas attendu la pilule pour se mettre en place. Ex en France: 7 enfants par femme autour de 1800, et environ 3 vers 1920.
Notons que Humanae Vitae rappelle la licéité pour les parents d’utiliser les périodes infertiles (prévues dans la Création) en vue de “planifier” les naissances – tout en mettant en garde contre une tentation de fermeture.
Encore une fois ces chiffres sont rappelés dans le livre de Sabrinat Debusquat, “J’arrête la pilule”, même si l’analyse est ici plus poussée dans un sens précis.
AFumey
Et justement pour l’utilité des méthodes dites naturelles, le taux d’échec est moindre que pour la pilule dans les conditions réelles. Mais il serait bon qu’une femme expérimentée s’exprime ici à ce sujet.