De Marie-Pauline Deswarte, Professeur de droit public, revient dans L'Homme Nouveau sur les 3 valeurs de la République. Extrait avec la fraternité :
"Fondamentalement la fraternité est une valeur familiale. Or, l’idée révolutionnaire de contrat social dans lequel les individus s’associent pour rester aussi libres qu’auparavant va contre cette valeur. Chacun est en effet attaché à son individualité. Dès l’origine, notre République a d’ailleurs été marquée par le massacre de ses ennemis qui n’avaient alors aucun droit.
Le mot fraternité a été ajouté sous la Deuxième République, dans le Préambule de la Constitution de 1848, alors que la question sociale était brûlante. La fraternité est normalement source de devoirs. À cette époque elle signifiait l’urgence qu’il y avait à recréer les liens sociaux. Dans ce texte constitutionnel la problématique des devoirs semble être mieux assurée que sous la Première République ; il « reconnaît des droits et devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives » et la « Famille » est citée comme étant l’une des bases de la République. L’entraide fraternelle est ainsi prévue pour la réalisation du « bien-être commun ». Mais, finalement ces devoirs vont se résumer en droits sociaux, à savoir l’assistance pour les plus démunis. L’ensemble très faible est assorti du consentement à l’impôt, seul véritable devoir du citoyen.
L’histoire républicaine montre, que dès l’origine, les droits sociaux dus par la collectivité ont pris le relais des devoirs individuels. Bien loin de réaliser la fraternité, ce choix n’a cessé de favoriser l’étatisme qui est en train d’absorber toutes les forces vives du pays.
Seule une société organique enracinée dans le réel de la nature humaine peut nous permettre d’en sortir ; ce réel nous dit que l’homme est relation, animal social. La fraternité est un mode privilégié des relations existant au sein de la famille. Cette famille est la cellule de base de la société car chacun y trouve en naissant tout ce dont il a besoin. La fraternité a donc besoin pour exister d’une vision organique de la société considérée comme formant un tout analogue à un corps. Cette métaphore permet d’exprimer l’indispensable unité de finalité et d’action du corps social, en même temps que la pluralité et la solidarité de ses membres. Ce modèle a toujours été celui de la France jusque 1789. Il convient, pour connaître la véritable fraternité, de retrouver les principes de vie organiques qui ont fait leur preuve.
Ainsi la fraternité a besoin que les divers membres du corps social soient reconnus dans leurs réalités familiale, professionnelle, communale, régionale, mais aussi nationale. Il convient donc de trouver un mode de représentation capable de traduire ces diverses réalités de manière à ajuster les intérêts particuliers des groupements concernés au bien commun du corps social. L’amitié politique est à ce prix. Le système électoral actuel ne prend en compte que les individus qui ne se voient pas représentés dans leur réalité quotidienne. La crise actuelle du régime des partis montre combien il est urgent de le repenser. Par exemple, le rôle social de la famille est à redécouvrir. Jusqu’à ce jour la République n’a jamais admis le suffrage familial. Les quelques combats qui ont été menés en ce sens depuis 1848 l’ont toujours été dans une perspective utilitaire et individualiste pour tenir compte d’une valeur sociale jugée supérieure du père de famille ; ils ne l’ont jamais été pour rendre à la famille son autorité sociale. Il en est de même pour la représentation professionnelle. Acceptée à contrecœur dans le Conseil économique de la Troisième République, elle n’a jamais été admise à jouer un rôle positif dans la recherche d’un véritable bien commun du corps social. Quant à la représentation des collectivités territoriales, le terme décentralisation ne doit pas faire illusion. Les diverses réformes réalisées en la matière montrent toutes un renforcement de l’idéologie égalitaire centralisatrice au détriment des réalités locales ; les intercommunalités récentes devraient à cet égard permettre d’effacer un peu plus la commune du paysage de la France. […]"